J’ai croisé la route de Becky Chambers. Jusqu’à sa lecture, je ne connaissais pas la SF positive. Celle qui raconte des expériences de vie avec douceur et bienveillance. Celle qui exprime l’évolution technologique sans exploiter leurs facettes de façons angoissantes. Chaque mot du titre, Un psaume pour les recyclés sauvages, a pris une signification profonde au cours de ma lecture pleine de réflexions.
J’ai abordé ce recueil de préceptes sages pas à pas, un chapitre par jour, afin de digérer chaque enseignement, chaque parole, de m’imprégner d’eux pour garder ce qui me serait utile tel un livre de développement personnel.
Le récit se déroule dans un univers entre futur et fantasy où les robots se sont affranchis de l’esclavage des humains pour vivre dans la nature qui a repris ses droits. Les détails du worldbuilding sont saupoudrés et servent plus d’enrobage aux saveurs exotiques qu’aux messages que l’autrice veut transmettre. Cette histoire pourrait être transposée dans un roman historique, ou fantastique, ou même contemporain vu que le point principal raconte la rencontre de personnes issues de culture distincte ayant un passé lointain en commun qu’ils n’ont pas vécu.
D’un côté nous avons Dex qui quitte le monastère pour servir du thé aux âmes perdues. Malgré sa réussite dans ce domaine, la lassitude lae frappe à nouveau à sa porte et lae pousse hors des chemins balisés. Iel rencontre Omphale, un robot d’une bienveillance désarçonnante. Enthousiaste, ce recyclé sauvage se passionne pour les hommes et leurs besoins (je ne parle pas des besoins primaires !).
C’est le choc culturel assuré ! Les deux personnages ont été modelés par leur environnement et son histoire. Leurs interactions vont déconstruire les préjugés et les schémas de pensée reçus par l’héritage sociétal.
Cette mémoire collective qui passe de génération en génération par l’apprentissage et l’ADN. Mes lectures d’articles scientifiques m’ont fait découvrir que la peur (celle provoquée par un élément en particulier) se transmet par les gènes. Ce concept est magnifiquement récupéré par Becky Chambers qui le transpose avec les recyclés sauvages. Ces robots réparés grâce à des pièces réemployées gardent la mémoire de leurs précédents hôtes, dont ceux qui ont connu l’esclavagisme. Omphale craint les usines qu’il n’a pas connues comme Dex craint d’asservir sans le vouloir le robot.
Leur relation est tendre et cocasse. Les dialogues sont riches en réflexion. La confrontation des deux points de vue apporte à Dex l’apaisement.
Tu n’arrêtes pas de demander pourquoi ton travail ne suffit pas, et je ne sais pas quoi te répondre, parce qu’exister dans le monde et l’admirer, ça suffit. Tu n’as pas besoin de justifier ni de mériter ton existence. Tu as le droit de te laisser vivre.
Iel apprend à vivre dans le présent plutôt que pour un objectif de vie.
En bref, Un psaume pour les recyclés sauvages fut une lecture autant dépaysante que profonde. Becky Chambers nous offre avec bienveillance de nouvelles perspectives grâce à la rencontre entre deux inconnus. Chaque chapitre est un moment de méditation. À nous de décortiquer, de réfléchir et de choisir parmi les préceptes pour devenir acteurice de notre vie.