Au Japon, il y a un courant qui s’appelle le "Mono no aware" où on trouve une certaine forme de beauté dans l’éphémérité. Cela a inspiré de nombreuses œuvres comme Aria, Escale à Yokohama ou plus récemment Frieren. J’ai retrouvé la même ambiance apaisante ici dans la SF positive de Becky Chambres qui nous emmène sur les routes avec un/une moine du thé et un robot.
J’entretiens une relation particulière avec Becky Chambers. J’aime ses textes courts comme ici où le format compacté de la nouvelle me convient à merveille. J’ai plus de mal avec ses romans où elle s’étale trop longuement et me perd avec son absence de tension narrative. Heureusement Un psaume pour les recyclés sauvages se présente comme une suite de nouvelles reprenant les mêmes personnages dans un périple existentiel, ce qui entre-découpe nos rencontres et me convient bien mieux.
Avec des couvertures fleurales très zen, on ressent avant même de commencer la poésie et la philosophie qui empreindront la lecture. Le cheminement de la rencontre entre Dex et Omphale est matérialisé sur celle-ci, de même que les attitudes et postures de chacun. Dex est un/une moine non genré qui circule sur les routes à la recherche de gens à aider avec ses thés qu’iel concocte spécialement pour eux. Iel tombe par hasard sur Dex, un robot recyclé à partir d’autre, qui va lea (=lui) demander de cheminer avec iel. Un dialogue va s’engager entre eux autour de la vie, ses buts, leurs envies, leur identité.
J‘ai retrouvé avec plaisir la plume apaisante de l’autrice, que ce soit lors de ma rencontre avec lea maladroit(e), Dex, qui peine au début à trouver la bonne posture dans sa vocation, où dans ses descriptions de la nature dans laquelle iel chemine qui montre le recul des constructions humaines sur celle-ci, tel un retour aux sources. En lisant cela, j’ai de suite eu en tête des ambiances comme celles rencontrées dans Frieren ou Escale à Yokohama, entre fascination pour cette nature, apaisement grâce à celle-ci et réflexions également ce qu’elle est devenue, redevenue. Ce fut très relaxant. On est vraiment dans une ambiance zen et cela correspond bien à l’autrice et à ce qu’elle souhaite rencontrer.
Elle nous entraîne en effet, dans une vaste réflexion sur l’humanité, l’identité sous toutes ses formes, la conscience, la vocation, la vie, le but… Et comme en plus ces discussions ont lieu entre un robot et un(e) humain(e), ce qui rend cela encore plus intéressant et puissant. Cela participe à l’ambiance zen et asiatique du titre, rappelant les récits sur la vie et les enseignements de Bouddha par exemple mais à la sauce SF avec une dimension réflexive sur le rapport de l’homme/la femme à sa création, etc. J’ai aimé cette façon apaisante de dialoguer là-dessus et de nous pousser à y réfléchir même si ça reste assez léger, reconnaissons-le.
Nouvelle belle surprise, Becky Chambers confirme qu’elle me séduit totalement dans ses formats courts. Avec une ambiance fortement inspirée de la philosophie Zen et du Mono no aware, ce premier tome d’une pérégrination entre un robot et un/une moine met joliment en scène leurs échanges philosophiques sur la vie et les relations sous toutes leurs formes. C’est apaisant et cela invite à réfléchir en même temps. J’aime beaucoup.