Wagner - Rêves de Gloire - Tsugi

CREVURES ET DIRTY GONZESSES

C'est au génial Roland C. Wagner qu'on doit, avec Rêves de Gloire, la plus excitante entreprise de réécriture fictionnelle de l’histoire du rock, un genre musical qui serait né en Algérie au début des années 60, avant que San Francisco ne l’importe en 1967. De Gaulle a été assassiné en 1960 et l'Algérie a connu une partition au milieu des années 70 : seule la ville d'Alger est restée française. Nous sommes au début du XXIe siècle et un collectionneur de disques, spécialiste du "rock psychodélique", évoque ses souvenirs en traquant la perte absolue, un simple des Glorieux Fellagas, sorti en 1969, avec le titre "Regarde vers Lorient"... On croise un certain Timothy Leary, obsédé, comme toute la jeunesse, par une drogue merveilleuse, Ia "Gloire" ; on rencontre les communautés de "Vautriens" de Bab El Oued, pacifistes et athées: "Nous vivons dans le péché, mais dans la légalité, et nous buvons du chouchen en attendant la fin du vieux monde." Le "psycho algérois" est alors en vogue et, outre les Cravates à Pois, il y a Dieudonné Laviolette, Marcel et ses Clodos, les Humains et le Djerbouka Électrique, qu'on entend grâce aux radios pirates qui émettent à partir de cargos ancrés au milieu du canal de Suez. Wagner est intarissable sur la scène de Tizi Ouzou, jusqu'à la grande explosion punk de 1976, qui a pris la Kabylie par surprise, avec les Cicatrices, les Crevures et les Dirty Gonzesses qui chantent en tamazight leurs désirs d'émancipation. Enfin, le "rock psychodélique" "qui n'a jamais été une musique blanche, ou alors très ponctuellement" est arrivé de l’autre côté de la Méditerranée, où se développait le "gymnase rock" : on se souvient du grand Été Insensé, à Biarritz, où une allumée s'était mise à repeindre la cathédrale avec du vernis à ongles, où un festival de rock sauvage s'était tenu dans l'arrière-pays, où l'on a dansé pendant trois jours pour la paix en Algérie et au Vietnam.
On y était forcément. Parce que le rock, c'est déjà une fiction et, de toute façon, si on se souvient des années 60, c'est qu'on ne les a pas vécues, comme l’affirmait Jim Morrison juste avant de mourir d'un accident de moto au début des années 2000.

Cédric Fabre - Tsugi

Publié le 3 août 2015

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