Le monde dans lequel nous entraine Roland C. Wagner n'est pas le notre. Plutôt que de qualifier l'univers de "Rêves de gloire" d'uchronique je le dirais plutôt parallèle au notre. En effet pour qu'il y ait uchronie, il faut qu'il y ait un point de bifurcation bien distincte avec notre réalité crée par un évènement précis. De cette modification découle ensuite toutes les différences avec l'Histoire que nous connaissons. Il n'en va pas ainsi dans le roman de Wagner, si le point de divergence avec notre présent, est que le 17 octobre 1960, le chauffeur du général de Gaulle ayant choisi de passer par la Croix de Berny plutôt que par le Petit Clamart comme cela était prévu, la voiture du général est mitraillée. Il décède quelques instant plus tard n'ayant le temps que de dire: << On aurait dû passer par le Petit-Clamart. Quelle chienlit...>>. On voit immédiatement que Roland C. Wagner n'est pas dénué d'humour... Si l'on comprend bien que la mort du général de Gaulle en 1960 à une incidence directe sur ce qui va se passer ensuite en Algérie où le livre se déroule, il est beaucoup moins évident que cette mort fasse que par exemple Kennedy ait lui échappé à son attentat, que malgré son souffle court Albert Camus soit toujours en vie aux abords de l'an 2000 et que par contre Johnny Halliday ait quitté ses fans en 1964 victime d'une explosion d'une charge de plastique... Il est encore plus improbable que le fait que la grande Zoha ait calanché puisse avoir une incidence sur des évènements ayant eu lieu avant ce trépas, comme la sortie de la Hongrie du bloc de l'est en 1956 et que la même année les anglais et les français aient mis une pâtée à Nasser dans l'affaire de Suez... L'auteur nous fait découvrir ces évènements par petites touches, comme par inadvertance. Il faut dire que le narrateur principal est peu intéressé par la politique, obsédé qu'il est par l'histoire du rock algérois. Car les rêves de gloire du titre sont ceux, dans les années 60, des groupes de rock qui fleurissent alors à Alger devenu après quelques vicissitudes une enclave indépendante dans une Algérie tout aussi indépendante présidé par Boudiaf. Dans cet algérois cohabite quatre millions d'habitants d'origines des plus diverses et aux tendances idéologiques multiples. Le groupe le plus inattendu est celui que forme les vautriens , secte agnostique et festive dont le grand homme est Timothy Leary pourvoyeur de « gloire » que l'on peut traduire par L.S.D. Le titre du livre est ainsi à double sens, Rêves de gloire peut être ceux provoqués par cette drogue. Il l'est même à triple, car « Rêves de gloire » est aussi le titre d'un disque d'un groupe mystérieux et éphémère, les Glorieux Fellaghas, qui provoque la mort de celui qui le possède Il faut ajouter que durant cette guerre d'Algérie est apparu dans le djebel un prophète, un soldat français déserteur, qui avant d'être tué par ses anciens camarades a fait de nombreux adeptes parmi les autochtones. Il y a bien d'autres choses encore dans cette riche brique. Tout cela est vu à travers les yeux d'un antiquaire, spécialiste des vinyles anciens et lui même grand collectionneur. On apprend les faits saillants de l'Histoire dans cette réalité aux détours de longues considérations sur le rock et plus particulièrement sur le rock méditerranéen. J'espère que l'auteur, en fait je n'en doute pas, a pris beaucoup de plaisir à réinventer l'histoire de sa musique préférée. Le lecteur que je suis, a eu beaucoup moins de bonheur a déchiffrer les arcanes de cette aventure culturelle d'autant que je suis assez ignorant de l'histoire de ce courant musicale dans le monde réel. Il est probable qu'en raison de cette méconnaissance, je n'ai pu que savourer très peu des clins d'oeil que Wagner, grand spécialiste dans le domaine, il est musicien lui-même : son groupe s’appelle Brain Damage, ce qu’on pourrait traduire en français par Lésion Cérébrale, n'a pas manquer de mettre dans son texte. J'ai tout de même percuté aux allusions à Radio Caroline (Qui se souvient de cette radio pirate qui émettait d'un bateau dans les années 60) et à Woodstock transplanté à... Biarritz! D'ailleurs après plus de 350 pages, l'auteur nous avoue son plaisir, qu'heureusement il réussi en partie à nous faire partager, qu'il a eu à écrire le livre et en même temps ses idées sur le roman et les clés pour lire celui-ci. Il met cette confession dans la bouche d'Albert Camus (qui parle au narrateur du roman qu'il est en train d'écrire), il n'y a pas de mal à se faire du bien: << Quel est l'intérêt d'un roman? Et qu'est-ce qu'un roman, sinon une philosophie mise en images? (…) Je reconnais ce monde a été amusant à construire, bien qu'il soit pire que le nôtre. C'était un jeu très existant. Et une source de plaisir inédit pour moi. Mais ce monde n'est que le décor devant lequel se déploie la parabole, il n'est que l'arrière plan de la philosophie qui guide le livre. (…) C'est un livre sur une autre Algérie, mais pas seulement. En traitant d'autres possibilités, on relativise ce qui s'est réellement produit. Et de fait, on prend un recul supplémentaire.>>. Voilà un sage et pertinent mode d'emploi pour tous les lecteurs et auteurs d'uchronies. Wagner ne se penche pas que sur le passé. Certains passages, à peine transposé, sont en prise directe sur notre actualité. Notre auteur n'est donc pas féru que de musique. Il a une bonne connaissance de l'Histoire, vous me direz que c'est le minimum pour un écrivain qui se coltine à l'uchronie mais son savoir du monde arabe est remarquable, ce qui fait qu'il est même prophétique et éclairant sur ce qui se passe en ce moment en Egypte. En témoigne le passage suivant, dialogue de deux protagonistes passablement imbibés, mais néanmoins politiquement lucide, page 45 de l'ouvrage: << Pour les saoudiens c'est de toute manière mieux que l'Egypte soit dirigée par un parti religieux. Par principe, je dirais ou croyance. Et puis il y a le canal de Suez, "objet de toutes les convoitises. Un concept que les saoudiens n'ont jamais digéré, c'est le pan-arabisme.>> (à méditer)... L'origine de Roland C. Wagner n'est pas étrangère à ce savoir. Il est né le 6 septembre 1960 à Bab El Oued encore à l'époque en Algérie française. Wagner n’est pas un pseudonyme : WAGNER est bien le nom hérité de son père, soldat allemand enrôlé par la Luftwaffe à 19 ans, baladé par les conflits mondiaux d’Indochine en Algérie, puis rapatrié en France comme les autres pieds-noirs en 1962, avec femme et enfant. Cette hérédité peu commune, dont il a doté son narrateur collectionneur de disques, fait que l'on sent que le livre est nourri de morceaux d'autobiographie, ce qui donne une émotion à la lecture, très rare dans ce type d'ouvrage. Question de style on voit bien que le livre a été écrit au fil de la plume qu'heureusement Wagner a facile. Autrement il n'aurait pas avant cet ouvrage, en trente ans de carrière, déjà publié une centaine de nouvelles et une cinquantaine de romans. On peut regretter que Wagner travaille ainsi pour un livre dont on perçoit bien l'ambition derrière l'imagination débridée. Pour dynamiser son récit et qu'il ne soit pas qu'une description d'un univers différent du notre, le romancier y instille une intrigue policière. De très méchant sont à la recherche d'un disque qu'ils croit que le narrateur possède. En fait lui aussi est en quête de la mystérieuse galette. Les affreux sont prêt à tout pour la récupérer. Pourquoi? Que révèle ce mystérieux disque pressé il y a plus de trente ans qui sème la mort? Est-ce pour faire comprendre au lecteur étourdi que "Rêves de Gloire" se place dans le sillage de Philip K. Dick, mais l'on peut penser que l'amateur de cet opus ne sera pas sans connaitre "Le maitre du haut château", que Roland C. Wagner fait dans la déconstruction du récit, procédé totalement antagoniste avec certains relâchements de l'écriture. Des voix anonymes, chacune intervient régulièrement dans le récit, nous introduisent progressivement dans cette autre histoire, mais cet anonymat ne les rend pas immédiatement reconnaissable. La lecture parvient tout de même à être fluide malgré à la fois cette coquetterie de construction, pourquoi multiplier les narrateurs, ce qui fait que parfois on ne sait pas immédiatement qui parle, d'autant que d'un fragment à l'autre, on peut changer d'époque; on ne parvient à entrer en empathie qu'avec le collectionneur de disque, visiblement l'alter égo de l'auteur. Il faut en plus ajouter des bizarreries gratuites de vocabulaire. Pourquoi appeler les hélicoptères des coléoptères! J'aimerais bien savoir si Wagner a écrit les chapitres à la suite les uns des autres tels qu'ils se présentent dans le livre ou s'il a rédigé dans la continuité chaque fragment de son ouvrage se rapportant à un personnage et qu'il les a fragmenté et ensuite mélangé les morceaux d'intrique ainsi obtenus. Je penche pour la première solution, mais je m'interroge. Autre interrogation le romancier a t-il arpenté les rues de l'Alger d'aujourd'hui ou a t-il travaillé seulement d'après un vieux plan de la ville du temps de la colonisation, peut être les deux... Incidemment « Rêves de Gloire » devrait séduire les vieux algérois qui retrouveront dans ce texte une topographie et le nom de rues qu'ils ont arpentées. Alger est un personnage à part entière du récit, un peu à la manière qu'est Barcelone pour les romans de Zafon. Roland C. Wagner a un autre point commun avec l'écrivain espagnol, sa diabolique habileté pour relancer l'intérêt du lecteur en fin de ses courts chapitres. On subodore bien que les différents personnages qui hantent les différents morceaux ont bien entre eux un quelconque rapport et que comme dans tous les feuilletons, car il y a aussi du feuilleton dans « Rêves de gloire » les morceau du puzzle vont bien finir par s'imbriquer, mais pour apercevoir une ébauche du motif, il faut tout de même bien attendre les environs de la quatre centième page! L'ennui avec un auteur érudit, c'est qu'il faut que le lecteur ne soit pas complètement ignorant, une bonne connaissance de l'Histoire est ainsi indispensable pour apprécier un roman uchronique. Dans le cas présent c'est l'Histoire de l'Algérie sur laquelle il est bon d'avoir des lumière. On apprend beaucoup de chose par exemple sur la guerre d'Algérie à condition de bien connaître son déroulement, d'autant que l'auteur a une liberté de propos très rare sur le sujet. [...]   La culture discrète mais immense et la plume alerte de son auteur ce livre d'une absolue originalité est à ne pas manquer. Les diagonales du temps

Wagner - Rêves de Gloire - Lesdiagonalesdutemps.blog
Le monde dans lequel nous entraine Roland C. Wagner n'est pas le notre. Plutôt que de qualifier l'univers de "Rêves de gloire" d'uchronique je le dirais plutôt parallèle au notre. En effet pour qu'il y ait uchronie, il faut qu'il y ait un point de bifurcation bien distincte avec notre réalité crée par un évènement précis. De cette modification découle ensuite toutes les différences avec l'Histoire que nous connaissons. Il n'en va pas ainsi dans le roman de Wagner, si le point de divergence avec notre présent, est que le 17 octobre 1960, le chauffeur du général de Gaulle ayant choisi de passer par la Croix de Berny plutôt que par le Petit Clamart comme cela était prévu, la voiture du général est mitraillée. Il décède quelques instant plus tard n'ayant le temps que de dire: << On aurait dû passer par le Petit-Clamart. Quelle chienlit...>>. On voit immédiatement que Roland C. Wagner n'est pas dénué d'humour... Si l'on comprend bien que la mort du général de Gaulle en 1960 à une incidence directe sur ce qui va se passer ensuite en Algérie où le livre se déroule, il est beaucoup moins évident que cette mort fasse que par exemple Kennedy ait lui échappé à son attentat, que malgré son souffle court Albert Camus soit toujours en vie aux abords de l'an 2000 et que par contre Johnny Halliday ait quitté ses fans en 1964 victime d'une explosion d'une charge de plastique... Il est encore plus improbable que le fait que la grande Zoha ait calanché puisse avoir une incidence sur des évènements ayant eu lieu avant ce trépas, comme la sortie de la Hongrie du bloc de l'est en 1956 et que la même année les anglais et les français aient mis une pâtée à Nasser dans l'affaire de Suez... L'auteur nous fait découvrir ces évènements par petites touches, comme par inadvertance. Il faut dire que le narrateur principal est peu intéressé par la politique, obsédé qu'il est par l'histoire du rock algérois. Car les rêves de gloire du titre sont ceux, dans les années 60, des groupes de rock qui fleurissent alors à Alger devenu après quelques vicissitudes une enclave indépendante dans une Algérie tout aussi indépendante présidé par Boudiaf. Dans cet algérois cohabite quatre millions d'habitants d'origines des plus diverses et aux tendances idéologiques multiples. Le groupe le plus inattendu est celui que forme les vautriens , secte agnostique et festive dont le grand homme est Timothy Leary pourvoyeur de « gloire » que l'on peut traduire par L.S.D. Le titre du livre est ainsi à double sens, Rêves de gloire peut être ceux provoqués par cette drogue. Il l'est même à triple, car « Rêves de gloire » est aussi le titre d'un disque d'un groupe mystérieux et éphémère, les Glorieux Fellaghas, qui provoque la mort de celui qui le possède Il faut ajouter que durant cette guerre d'Algérie est apparu dans le djebel un prophète, un soldat français déserteur, qui avant d'être tué par ses anciens camarades a fait de nombreux adeptes parmi les autochtones. Il y a bien d'autres choses encore dans cette riche brique.
Tout cela est vu à travers les yeux d'un antiquaire, spécialiste des vinyles anciens et lui même grand collectionneur. On apprend les faits saillants de l'Histoire dans cette réalité aux détours de longues considérations sur le rock et plus particulièrement sur le rock méditerranéen. J'espère que l'auteur, en fait je n'en doute pas, a pris beaucoup de plaisir à réinventer l'histoire de sa musique préférée. Le lecteur que je suis, a eu beaucoup moins de bonheur a déchiffrer les arcanes de cette aventure culturelle d'autant que je suis assez ignorant de l'histoire de ce courant musicale dans le monde réel. Il est probable qu'en raison de cette méconnaissance, je n'ai pu que savourer très peu des clins d'oeil que Wagner, grand spécialiste dans le domaine, il est musicien lui-même : son groupe s’appelle Brain Damage, ce qu’on pourrait traduire en français par Lésion Cérébrale, n'a pas manquer de mettre dans son texte. J'ai tout de même percuté aux allusions à Radio Caroline (Qui se souvient de cette radio pirate qui émettait d'un bateau dans les années 60) et à Woodstock transplanté à... Biarritz!
D'ailleurs après plus de 350 pages, l'auteur nous avoue son plaisir, qu'heureusement il réussi en partie à nous faire partager, qu'il a eu à écrire le livre et en même temps ses idées sur le roman et les clés pour lire celui-ci. Il met cette confession dans la bouche d'Albert Camus (qui parle au narrateur du roman qu'il est en train d'écrire), il n'y a pas de mal à se faire du bien: << Quel est l'intérêt d'un roman? Et qu'est-ce qu'un roman, sinon une philosophie mise en images? (…) Je reconnais ce monde a été amusant à construire, bien qu'il soit pire que le nôtre. C'était un jeu très existant. Et une source de plaisir inédit pour moi. Mais ce monde n'est que le décor devant lequel se déploie la parabole, il n'est que l'arrière plan de la philosophie qui guide le livre. (…) C'est un livre sur une autre Algérie, mais pas seulement. En traitant d'autres possibilités, on relativise ce qui s'est réellement produit. Et de fait, on prend un recul supplémentaire.>>. Voilà un sage et pertinent mode d'emploi pour tous les lecteurs et auteurs d'uchronies.
Wagner ne se penche pas que sur le passé. Certains passages, à peine transposé, sont en prise directe sur notre actualité.
Notre auteur n'est donc pas féru que de musique. Il a une bonne connaissance de l'Histoire, vous me direz que c'est le minimum pour un écrivain qui se coltine à l'uchronie mais son savoir du monde arabe est remarquable, ce qui fait qu'il est même prophétique et éclairant sur ce qui se passe en ce moment en Egypte. En témoigne le passage suivant, dialogue de deux protagonistes passablement imbibés, mais néanmoins politiquement lucide, page 45 de l'ouvrage: << Pour les saoudiens c'est de toute manière mieux que l'Egypte soit dirigée par un parti religieux. Par principe, je dirais ou croyance. Et puis il y a le canal de Suez, "objet de toutes les convoitises. Un concept que les saoudiens n'ont jamais digéré, c'est le pan-arabisme.>> (à méditer)...
L'origine de Roland C. Wagner n'est pas étrangère à ce savoir. Il est né le 6 septembre 1960 à Bab El Oued encore à l'époque en Algérie française. Wagner n’est pas un pseudonyme : WAGNER est bien le nom hérité de son père, soldat allemand enrôlé par la Luftwaffe à 19 ans, baladé par les conflits mondiaux d’Indochine en Algérie, puis rapatrié en France comme les autres pieds-noirs en 1962, avec femme et enfant. Cette hérédité peu commune, dont il a doté son narrateur collectionneur de disques, fait que l'on sent que le livre est nourri de morceaux d'autobiographie, ce qui donne une émotion à la lecture, très rare dans ce type d'ouvrage.
Question de style on voit bien que le livre a été écrit au fil de la plume qu'heureusement Wagner a facile. Autrement il n'aurait pas avant cet ouvrage, en trente ans de carrière, déjà publié une centaine de nouvelles et une cinquantaine de romans. On peut regretter que Wagner travaille ainsi pour un livre dont on perçoit bien l'ambition derrière l'imagination débridée.
Pour dynamiser son récit et qu'il ne soit pas qu'une description d'un univers différent du notre, le romancier y instille une intrigue policière. De très méchant sont à la recherche d'un disque qu'ils croit que le narrateur possède. En fait lui aussi est en quête de la mystérieuse galette. Les affreux sont prêt à tout pour la récupérer. Pourquoi? Que révèle ce mystérieux disque pressé il y a plus de trente ans qui sème la mort?
Est-ce pour faire comprendre au lecteur étourdi que "Rêves de Gloire" se place dans le sillage de Philip K. Dick, mais l'on peut penser que l'amateur de cet opus ne sera pas sans connaitre "Le maitre du haut château", que Roland C. Wagner fait dans la déconstruction du récit, procédé totalement antagoniste avec certains relâchements de l'écriture. Des voix anonymes, chacune intervient régulièrement dans le récit, nous introduisent progressivement dans cette autre histoire, mais cet anonymat ne les rend pas immédiatement reconnaissable. La lecture parvient tout de même à être fluide malgré à la fois cette coquetterie de construction, pourquoi multiplier les narrateurs, ce qui fait que parfois on ne sait pas immédiatement qui parle, d'autant que d'un fragment à l'autre, on peut changer d'époque; on ne parvient à entrer en empathie qu'avec le collectionneur de disque, visiblement l'alter égo de l'auteur. Il faut en plus ajouter des bizarreries gratuites de vocabulaire. Pourquoi appeler les hélicoptères des coléoptères!
J'aimerais bien savoir si Wagner a écrit les chapitres à la suite les uns des autres tels qu'ils se présentent dans le livre ou s'il a rédigé dans la continuité chaque fragment de son ouvrage se rapportant à un personnage et qu'il les a fragmenté et ensuite mélangé les morceaux d'intrique ainsi obtenus. Je penche pour la première solution, mais je m'interroge. Autre interrogation le romancier a t-il arpenté les rues de l'Alger d'aujourd'hui ou a t-il travaillé seulement d'après un vieux plan de la ville du temps de la colonisation, peut être les deux... Incidemment « Rêves de Gloire » devrait séduire les vieux algérois qui retrouveront dans ce texte une topographie et le nom de rues qu'ils ont arpentées. Alger est un personnage à part entière du récit, un peu à la manière qu'est Barcelone pour les romans de Zafon. Roland C. Wagner a un autre point commun avec l'écrivain espagnol, sa diabolique habileté pour relancer l'intérêt du lecteur en fin de ses courts chapitres.
On subodore bien que les différents personnages qui hantent les différents morceaux ont bien entre eux un quelconque rapport et que comme dans tous les feuilletons, car il y a aussi du feuilleton dans « Rêves de gloire » les morceau du puzzle vont bien finir par s'imbriquer, mais pour apercevoir une ébauche du motif, il faut tout de même bien attendre les environs de la quatre centième page!
L'ennui avec un auteur érudit, c'est qu'il faut que le lecteur ne soit pas complètement ignorant, une bonne connaissance de l'Histoire est ainsi indispensable pour apprécier un roman uchronique. Dans le cas présent c'est l'Histoire de l'Algérie sur laquelle il est bon d'avoir des lumière. On apprend beaucoup de chose par exemple sur la guerre d'Algérie à condition de bien connaître son déroulement, d'autant que l'auteur a une liberté de propos très rare sur le sujet.
[...]   La culture discrète mais immense et la plume alerte de son auteur ce livre d'une absolue originalité est à ne pas manquer.
Publié le 9 juin 2011

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