Nous attirons votre attention sur quelques livres récents qui, même s’ils sont publiés dans des collections dites « spécialisées », sont avant tout de très grands livres, qui mériteraient pour certains de se retrouver sur les fameuses listes de prix « littéraires ». A commencer par Rêves de Gloire. Son auteur, Roland C. Wagner, nous avait plus habitué à des romans de science fiction un peu décalé, souvent teinté de contre culture et d’esprit zen-hippie, qu’on avait plaisir à lire comme on aime mâcher du chewing-gum (il en a écrit une quarantaine). Roland C. Wagner a toujours montré un réel talent d’écriture, une intelligence teinté d’humour et d’humanité, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il nous fasse « le » grand roman de sa génération. Rêve de Gloire est une uchronie : le monde réaliste qui y est décrit est presque comme le nôtre, à quelques petits détails près. De Gaulle s’est fait descendre lors de l’attentat de Clamart, Kennedy n’a pas été tué à Dallas, les russes ont été sur la Lune avant les américains, et même notre Johnny n’a pas fait la carrière que l’on sait. Une histoire alternative donc, dont le fait central est la victoire des algériens dans la fameuse guerre, assorti d’une révolution psychédélique qui se tint en France puis en Algérie, le pape-gourou Tim Leary himself faisant goûter sa Gloire (le LSD) sur de petits sucres d’abord dans les grands hôtels parisiens, puis sur la plage de Biarritz. Tout cela c’est du contexte, une toile de fond. Le sujet de ce livre c’est apparemment la quête d’une galette de vinyle de rock pychédélique, un pressage très limité, dont les rares propriétaires meurent dans des circonstances mystérieuses. Ce 45 tours s’intitule Rêves de Gloire. Sujet, certes, mais aussi pré-texte. Parce qu’au fond le vrai sujet de ce livre c’est sa langue et sa construction. Une fois passée la rencontre initale avec Albert Camus (non il n’est pas mort, il soutient les algérois en vivant sur place), s’élève une série de voix sans identités, une polyphonie qui va parcourir cinquante ans, en passant sans cesse d’une voix à l’autre. Perturbant ? Au début, durant dix ou vingt pages, on se demande ce qui se passe. Puis on s’y fait très bien. On retrouve les tonalités des uns et des autres, on recompose dans sa tête de lecteur bien faite les fragments temporels croisés, les histoires recomposées, les points de vue complémentaires de cette mosaïque qui recouvre le temps et l’espace (externe et intérieur), et qui tisse, au final, un monde complet qui s’il n’est pas le nôtre y ressemble assez pour qu’on s’émeuve et qu’on s’interroge. C’est « le » grand roman d’une génération qui a vu naître (puis se faire étouffer) la contre-culture, c’est l’énergie colossale de cette « Histoire » qui fut possible et résumée en si peu de mots (sexe, drogue and rock’n roll). C’est la lucidité d’un écrivain qui réussit à nous montrer le parallèle entre deux utopies : celle de l’Algérie libre et celle d’un monde sans haine, sans guerre et sans violence. C’est « le » livre dont on sait à peine terminé qu’on va le relire. Rêves de Gloire aurait pu être écrit par un de ces très grands auteurs anglo-saxons de contre-utopie (Orwell, Burgess, le Philip Roth de Complot contre l’Amérique, Spinrad bien sûr), et Wagner n’hésite d’ailleurs pas à multiplier les références et les hommages à ce qui l’a nourri (Dick, Spinrad, le rock). Rêves de Gloire est un roman comme il n’en n’apparaît qu’un par génération, et le tour de force de Roland Wagner renvoie aux oubliettes toute la science fiction « expérimentale » des auteurs français des vingt dernière années. Au passage il dépasse aussi – de la tête et des épaules – tout ce que la production éditoriale française de littérature contemporaine nous propose de niaiseries nombrilistes et autofictionnelles moyennement mises en écriture. Rêve de Gloire part bien de l’expérience personnelle – Wagner est d’ascendance algérienne, Wagner est de cette génération qui a vu commencer puis cesser cette contre-culture – mais réussit là où les autres échouent. Il touche à l’universel et parle à chacun. Attention : chef d’œuvre ! Labyrinthes Librairie spécialisée en Littérature, Jeunesse, Science-Fiction, Policier, Livres d'art Label LIR (Librairie Indépendante de Référence) attribué par le Ministère de la Culture  

Wagner - Rêves de Gloire - Librairie Labyrinthes

Nous attirons votre attention sur quelques livres récents qui, même s’ils sont publiés dans des collections dites « spécialisées », sont avant tout de très grands livres, qui mériteraient pour certains de se retrouver sur les fameuses listes de prix « littéraires ».

A commencer par Rêves de Gloire. Son auteur, Roland C. Wagner, nous avait plus habitué à des romans de science fiction un peu décalé, souvent teinté de contre culture et d’esprit zen-hippie, qu’on avait plaisir à lire comme on aime mâcher du chewing-gum (il en a écrit une quarantaine). Roland C. Wagner a toujours montré un réel talent d’écriture, une intelligence teinté d’humour et d’humanité, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il nous fasse « le » grand roman de sa génération. Rêve de Gloire est une uchronie : le monde réaliste qui y est décrit est presque comme le nôtre, à quelques petits détails près. De Gaulle s’est fait descendre lors de l’attentat de Clamart, Kennedy n’a pas été tué à Dallas, les russes ont été sur la Lune avant les américains, et même notre Johnny n’a pas fait la carrière que l’on sait. Une histoire alternative donc, dont le fait central est la victoire des algériens dans la fameuse guerre, assorti d’une révolution psychédélique qui se tint en France puis en Algérie, le pape-gourou Tim Leary himself faisant goûter sa Gloire (le LSD) sur de petits sucres d’abord dans les grands hôtels parisiens, puis sur la plage de Biarritz. Tout cela c’est du contexte, une toile de fond. Le sujet de ce livre c’est apparemment la quête d’une galette de vinyle de rock pychédélique, un pressage très limité, dont les rares propriétaires meurent dans des circonstances mystérieuses. Ce 45 tours s’intitule Rêves de Gloire. Sujet, certes, mais aussi pré-texte. Parce qu’au fond le vrai sujet de ce livre c’est sa langue et sa construction. Une fois passée la rencontre initale avec Albert Camus (non il n’est pas mort, il soutient les algérois en vivant sur place), s’élève une série de voix sans identités, une polyphonie qui va parcourir cinquante ans, en passant sans cesse d’une voix à l’autre. Perturbant ? Au début, durant dix ou vingt pages, on se demande ce qui se passe. Puis on s’y fait très bien. On retrouve les tonalités des uns et des autres, on recompose dans sa tête de lecteur bien faite les fragments temporels croisés, les histoires recomposées, les points de vue complémentaires de cette mosaïque qui recouvre le temps et l’espace (externe et intérieur), et qui tisse, au final, un monde complet qui s’il n’est pas le nôtre y ressemble assez pour qu’on s’émeuve et qu’on s’interroge.

C’est « le » grand roman d’une génération qui a vu naître (puis se faire étouffer) la contre-culture, c’est l’énergie colossale de cette « Histoire » qui fut possible et résumée en si peu de mots (sexe, drogue and rock’n roll). C’est la lucidité d’un écrivain qui réussit à nous montrer le parallèle entre deux utopies : celle de l’Algérie libre et celle d’un monde sans haine, sans guerre et sans violence. C’est « le » livre dont on sait à peine terminé qu’on va le relire. Rêves de Gloire aurait pu être écrit par un de ces très grands auteurs anglo-saxons de contre-utopie (Orwell, Burgess, le Philip Roth de Complot contre l’Amérique, Spinrad bien sûr), et Wagner n’hésite d’ailleurs pas à multiplier les références et les hommages à ce qui l’a nourri (Dick, Spinrad, le rock). Rêves de Gloire est un roman comme il n’en n’apparaît qu’un par génération, et le tour de force de Roland Wagner renvoie aux oubliettes toute la science fiction « expérimentale » des auteurs français des vingt dernière années. Au passage il dépasse aussi – de la tête et des épaules – tout ce que la production éditoriale française de littérature contemporaine nous propose de niaiseries nombrilistes et autofictionnelles moyennement mises en écriture. Rêve de Gloire part bien de l’expérience personnelle – Wagner est d’ascendance algérienne, Wagner est de cette génération qui a vu commencer puis cesser cette contre-culture – mais réussit là où les autres échouent. Il touche à l’universel et parle à chacun. Attention : chef d’œuvre !

Labyrinthes
Librairie spécialisée en Littérature, Jeunesse, Science-Fiction, Policier, Livres d'art
Label LIR (Librairie Indépendante de Référence) attribué par le Ministère de la Culture  
Publié le 31 mai 2011

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