Les passagers des écrits d'ici savent mon intérêt pour l'Uchronie. J'ai d'ailleurs l'intention d'y consacrer un large dossier après la rentrée littéraire quand nous n'aurons plus rien d'autres à faire que de relire. Il est assez rare d'en croiser sur les tables des libraires. Il est encore plus exceptionnel d'y voir des ouvrages français, tant le pan de la supputation littéraire a été abandonné par nos concitoyens.   Dans "Rêves de Gloire", il faut que vous acceptiez quelques paramètres. De Gaulle est mort, dans un attentat, tout ça parce qu'il ne voulait pas passer par le Petit Clamart (ah). Johnny Halliday est mort aussi, mais dans le récit c'est moins important. L'Algérie a été partitionnée, une partie algérienne, une partie française en enclave. Des genres musicaux tout à fait étonnants sont apparus (le psychodélique, le lourd, le gymnase) et la ville d'Alger fut le poumon foisonnant d'une contre culture riche et iconoclaste. On n'échange pas des mails mais des "electre" et les fichiers sont des minifiles, bien que la musique s'écoute quasi exclusivement en microsillon (dans des formats exotiques, parfois).   Le livre est une narration de l'histoire des "évènements" dont la chronologie varie en fonction des narrateurs. On y rencontre des militaires, une junkie qui a expérimenté la Gloire (produit hallucinogène qui fait découvrir l'absence de Dieu...), un collectionneur de microsillons...Un foisonnement de point de vue qui aide à construire une époque que personne n'a connue.   Originaire d'Algérie, Roland Wagner frappe très fort. Non seulement il a en tête une idée très précise de la (non)civlisation qu'il veut nous faire observer mais en plus son système narratif permet d'alléger les détails qui à chaque récit s'immiscent dans la présentation. A ce titre, les paragraphes consacrés au collectionneur de disque me semblent les plus aboutis : il recrée une faune musicale, des groupes, des disques, des chansons et des croisements entre des musiciens ayant réellement existé et une scène improbable et riche (les Yarbirds semblent être le plus grand groupe de tous les temps). C'est dans cette partie également qu'on trouve le point le plus mystérieux du récit : un disque très rare semble engendrer la mort de celui qui le possède : c'est le seul disque des "Glorieux Fellagahs", il est l'objet d'une rare convoitise...   Le livre dans son entier est une polyphonie colorée. On y apporte par taches de couleurs, goûts discrets, bruits étouffés, la trace d'évènements qui à s'en pincer ont l'air de s'être produits dans notre historie immédiate. Tout le climat politique, les conséquences, les migrations de populations, l'évolution des mentalités, la culture en réaction, les psychotropes participent à ce festival imaginatif. Sur la durée (700 pages !!!) point d'essoufflement, grâce au séquençage adopté : les allers expliquent les retours, les accents changent, le son s'amplifie, le langage évolue.   Un coup de maître.   magpresse33 Le blog du Mag Presse d'Artigues 

Wagner - Rêves de Gloire - Mag Presse d'Artigues
Les passagers des écrits d'ici savent mon intérêt pour l'Uchronie. J'ai d'ailleurs l'intention d'y consacrer un large dossier après la rentrée littéraire quand nous n'aurons plus rien d'autres à faire que de relire. Il est assez rare d'en croiser sur les tables des libraires. Il est encore plus exceptionnel d'y voir des ouvrages français, tant le pan de la supputation littéraire a été abandonné par nos concitoyens.
 
Dans "Rêves de Gloire", il faut que vous acceptiez quelques paramètres. De Gaulle est mort, dans un attentat, tout ça parce qu'il ne voulait pas passer par le Petit Clamart (ah). Johnny Halliday est mort aussi, mais dans le récit c'est moins important. L'Algérie a été partitionnée, une partie algérienne, une partie française en enclave. Des genres musicaux tout à fait étonnants sont apparus (le psychodélique, le lourd, le gymnase) et la ville d'Alger fut le poumon foisonnant d'une contre culture riche et iconoclaste. On n'échange pas des mails mais des "electre" et les fichiers sont des minifiles, bien que la musique s'écoute quasi exclusivement en microsillon (dans des formats exotiques, parfois).
 
Le livre est une narration de l'histoire des "évènements" dont la chronologie varie en fonction des narrateurs. On y rencontre des militaires, une junkie qui a expérimenté la Gloire (produit hallucinogène qui fait découvrir l'absence de Dieu...), un collectionneur de microsillons...Un foisonnement de point de vue qui aide à construire une époque que personne n'a connue.
 
Originaire d'Algérie, Roland Wagner frappe très fort. Non seulement il a en tête une idée très précise de la (non)civlisation qu'il veut nous faire observer mais en plus son système narratif permet d'alléger les détails qui à chaque récit s'immiscent dans la présentation. A ce titre, les paragraphes consacrés au collectionneur de disque me semblent les plus aboutis : il recrée une faune musicale, des groupes, des disques, des chansons et des croisements entre des musiciens ayant réellement existé et une scène improbable et riche (les Yarbirds semblent être le plus grand groupe de tous les temps). C'est dans cette partie également qu'on trouve le point le plus mystérieux du récit : un disque très rare semble engendrer la mort de celui qui le possède : c'est le seul disque des "Glorieux Fellagahs", il est l'objet d'une rare convoitise...
 
Le livre dans son entier est une polyphonie colorée. On y apporte par taches de couleurs, goûts discrets, bruits étouffés, la trace d'évènements qui à s'en pincer ont l'air de s'être produits dans notre historie immédiate. Tout le climat politique, les conséquences, les migrations de populations, l'évolution des mentalités, la culture en réaction, les psychotropes participent à ce festival imaginatif. Sur la durée (700 pages !!!) point d'essoufflement, grâce au séquençage adopté : les allers expliquent les retours, les accents changent, le son s'amplifie, le langage évolue.
 
Un coup de maître.
 
magpresse33
Publié le 31 août 2011

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