Quand Roland C. Wagner décide de donner corps à ce qui est sans doute le plus ancien et le plus longuement mûri de ses projets, il n'y va pas avec le dos de la cuiller : fort de ses septs cents pages, Rêves de Gloire s'impose enfin sur les tables des librairies. La taille, pourtant, est bien la mois impressionnante des qualités de cette uchronie magistrale, la première à se pencher sur la guerre d'Algérie - et sur la France de ces cinquante dernières années.
De nos jours, à Alger, un collectionneur de disques découvre sur un site de vente aux enchères l'existence d'une pièce rare, l'unique 45 tours des improbables Glorieux Fellaghas. La quête de ce graal et les mystères qui l'entourent vont le pousser à s'intéresser de près aux événements qui, de l'aube des années soixante à la fin des soixante-dix, ont régi les relations de la France, de l'Algérie et... de l'Algérois.
Quelques lignes en exergue du premier chapitre seront la seule concession à la manière uchronique " classique ", celle, didactique, qui refait l'Histoire en la dévidant depuis un point de divergence unique. Car pour être symbolique, la fusillade qui coûte la vie au Général de Gaulle en octobre 1960 n'est ni le premier, ni le seul événement fondateur du roman. L'Algérie nouvelle qui se dessine au fil des pages doit ainsi tout autant à la mort du Général qu'à l'attentat raté contre Kennedy. Ou à la présence sur les plages de Biarritz, à l'été 64, d'un Timothy Leary aux poches pleines de fioles de Gloire. Ou encore à l'insurrection de Budapest en 56. Ou encore...
Fruit d'un savant équilibre entre pragmatisme et utopie, entre musique et politique, Rêves de Gloire, enthousiasmant de bout en bout, pose avec passion et humanité un regard neuf, sans tabous, sur un passé toujours sensible, sur les chemins qui s'ouvrent à nous et sur les pièges qui nous guettent. Et l'uchronie gagne là l'une de ses plus belles pièces.