@font-face { font-family: "Times New Roman"; }@font-face { font-family: "Georgia"; }p.MsoNormal, li.MsoNormal, div.MsoNormal { margin: 0cm 0cm 0.0001pt; font-size: 12pt; font-family: "Times New Roman"; }table.MsoNormalTable { font-size: 10pt; font-family: "Times New Roman"; }div.Section1 { page: Section1; } Les livres dont on parle trop, on ne les écrit jamais, dit depuis des temps immémoriaux la sagesse du petit peuple des écrivains. Je me souviens de vacances à la campagne, il y a bientôt quinze ans de cela, où Roland m’avait longuement entretenu de son uchronie algérienne — qui commençait par l’irruption de la surf music sur les côtes biarrotes, et devenait rapidement bien psychédélique, tout en étant bardée de connaissances pointues sur le déroulement militaire et politique de la guerre d’Algérie. Depuis quelques années, et bien des romans publiés, Roland ne me bassinait plus avec le projet, et je me disais que, dommage, ce livre-là risquait de ne jamais voir le jour. Je me trompais : le silence de l’auteur était bon signe, il devait enfin être en train de l’écrire, son chef-d’oeuvre.   (...) Rêves de Gloire frappe d’emblée par son aspect physique. Sept cent pages, cela lui donne l’aspect d’un gros morceau de sucre — que l’on aurait détrempé, bien sûr, de la dose correspondante d’acide. J’ai pris le trip avec enthousiasme. Pensez donc, je lis Roland Wagner depuis presque aussi longtemps que j’achète des disques de rock — et son protagoniste est un collectionneur devenu revendeur, qui sue le vinyle par tous ses pores. L’extase était garantie. (...) Tout le roman est éclaté en passages d’une à six pages, tous narrés à la première personne (ou impersonnels quand il s’agit d’extraits d’encyclopédies du rock ou de livres d’histoire contemporaine), qui se déroulent à différentes époques et ne mentionnent jamais le nom des narrateurs. Il faut un certain temps avant de se rendre compte de qui parle, de pouvoir remonter le long d’un même fil chronologique les passages relevant du même personnage (...). Et beaucoup de narrateurs n’apparaissent qu’une fois, pour fournir un éclairage. Cube de Rubik ou kaléidoscope, selon l’attention que vous portez au fil de la lecture. Pour moi, cela ouvre les portes de la pensée plus que cela ne crée de confusion. Mais il faut laisser le temps au cerveau de reconstituer l’image en trois dimensions. On ne peut que souhaiter que ce livre sera pour Roland Wagner le breakthrough, l’oeuvre qui le fera passer à un autre niveau de célébrité et de respect. Tout en se demandant ce qu’il pourra faire pour suivre un pavé pareil — en tout cas, on sait qu’il est suffisamment âgé et raisonnable pour ne pas connaître le sort de Dieudonné Laviolette, maître de la guitare psychodélique algéroise, disparu à 27 ans après l’enregistrement de son chef-d’oeuvre. Pascal J. Thomas  

Wagner - Rêves de gloire - Keep Watching the Sky

Les livres dont on parle trop, on ne les écrit jamais, dit depuis des temps immémoriaux la sagesse du petit peuple des écrivains. Je me souviens de vacances à la campagne, il y a bientôt quinze ans de cela, où Roland m’avait longuement entretenu de son uchronie algérienne — qui commençait par l’irruption de la surf music sur les côtes biarrotes, et devenait rapidement bien psychédélique, tout en étant bardée de connaissances pointues sur le déroulement militaire et politique de la guerre d’Algérie. Depuis quelques années, et bien des romans publiés, Roland ne me bassinait plus avec le projet, et je me disais que, dommage, ce livre-là risquait de ne jamais voir le jour.

Je me trompais : le silence de l’auteur était bon signe, il devait enfin être en train de l’écrire, son chef-d’oeuvre. 

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Rêves de Gloire frappe d’emblée par son aspect physique. Sept cent pages, cela lui donne l’aspect d’un gros morceau de sucre — que l’on aurait détrempé, bien sûr, de la dose correspondante d’acide. J’ai pris le trip avec enthousiasme. Pensez donc, je lis Roland Wagner depuis presque aussi longtemps que j’achète des disques de rock — et son protagoniste est un collectionneur devenu revendeur, qui sue le vinyle par tous ses pores. L’extase était garantie.

(...)

Tout le roman est éclaté en passages d’une à six pages, tous narrés à la première personne (ou impersonnels quand il s’agit d’extraits d’encyclopédies du rock ou de livres d’histoire contemporaine), qui se déroulent à différentes époques et ne mentionnent jamais le nom des narrateurs. Il faut un certain temps avant de se rendre compte de qui parle, de pouvoir remonter le long d’un même fil chronologique les passages relevant du même personnage (...). Et beaucoup de narrateurs n’apparaissent qu’une fois, pour fournir un éclairage. Cube de Rubik ou kaléidoscope, selon l’attention que vous portez au fil de la lecture. Pour moi, cela ouvre les portes de la pensée plus que cela ne crée de confusion. Mais il faut laisser le temps au cerveau de reconstituer l’image en trois dimensions.

On ne peut que souhaiter que ce livre sera pour Roland Wagner le breakthrough, l’oeuvre qui le fera passer à un autre niveau de célébrité et de respect. Tout en se demandant ce qu’il pourra faire pour suivre un pavé pareil — en tout cas, on sait qu’il est suffisamment âgé et raisonnable pour ne pas connaître le sort de Dieudonné Laviolette, maître de la guitare psychodélique algéroise, disparu à 27 ans après l’enregistrement de son chef-d’oeuvre.

Pascal J. Thomas

 

Publié le 27 février 2012

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