Cap vers les étoiles pour une nouvelle génération De jeunes écrivains romands affectionnant les vertiges de la science-fiction et les angoisses du fantastique émergent sur la scène littéraire francophone. Ce n’est en rien une mode, mais un vrai phénomène. Appelé à durer? Suite vampirique la semaine prochaine. L’espace comme champ d’explorations infinies. De jeunes auteurs locaux – Vincent Gessler, Lucas Moreno et Laurence Suhner – partent à la conquête des mondes, qu’ils soient d’ailleurs ou intimes. La Suisse traîne une réputation de pays marqué dans ses gênes confédérés par le rationalisme protestant, le civisme tip-top et le patriotisme toupin, formaté par l’imaginaire alpin et son quatuor sacré chocolat-fromage-montres-banques. Toute médaille a pourtant son revers. Et chaque cliché, fût-il révélateur d’une vérité, pour le meilleur comme pour le pire, masque une autre réalité. Que la littérature aime dévoiler.  De nouveaux talents A l’heure actuelle, plusieurs talents, Vincent Gessler, Lucas Moreno et Laurence Suhner, entre le milieu de la trentaine et le début de la quarantaine, prouvent que la littérature suisse n’est pas uniquement marquée par un souci d’intériorité certes libérateur, mais parfois pénible – au 19e siècle, Henri-Frédéric Amiel incarna jusqu’à l’étouffement ce besoin irrépressible d’introspection. En effet, la veine romanesque souffle aussi sur les esprits épris de fantastique et d’avenirs incertains. La Suisse romande, comme l’a relevé Jean-François Thomas dans l’anthologie Défricheurs d’imaginaire (Bernard Campiche, 2009, 532 pages), est une terre où l’on s’adonne aussi au jeu de la spéculation. L’auteur, un Lausannois de 60 ans, explique: « La science- fiction romande existe depuis longtemps même si les gens sont souvent surpris de l’apprendre! ». Ancien critique littéraire à 24 Heures, il précise « avoir été frappé lors de mes recherches par la quantité de textes appartenant à ce genre : du célèbre savant du 18e siècle Albrecht Haller, féru d’utopies, au Fribourgeois Georges Panchard, dont Forteresse (2005) fut publié dans la prestigieuse collection Ailleurs & Demain de Robert Laffont, alors qu’aucun roman francophone n’y avait paru depuis vingt ans, en passant par l’injustement oublié Léon Bopp et une chanson de Jean Villard, dit Gilles ». Gilles? Oui, l’auteur de La Venoge, chanson chère au coeur des Vaudois... Tous fans de SF « Cette littérature très riche se heurte hélas aux préjugés. Pour beaucoup, la science-fiction reste une "sous-littérature". Certains reconnaissent la valeur de 1984 de George Orwell, Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley et Jules Verne, mais sans avoir la curiosité d’aller voir plus loin. » Jean-François Thomas ne se laisse cependant pas abattre : « Dans le classement des dix films préférés de tous les temps, on trouve cinq films de SF. A vrai dire, les gens ignorent souvent qu’ils aiment ce style de cinéma ou de roman ». Une contradiction qui est peut-être un hommage inconscient rendu à un genre appréciant les paradoxes aussi bien que l’interrogation sur les rapports entre science, technologie et société, et la hantise de l’avenir de l’humanité (surpopulation, dévastation écologique, exploration de l’espace). Fait symptomatique, la Suisse romande est dotée d’une institution unique en Europe: la Maison d’Ailleurs. Créé à Yverdon-les-Bains en 1976 sous l’impulsion de Pierre Versins, auteur d’une encyclopédie de référence sur le genre, ce musée de la science-fiction, de l’utopie et des voyages extraordinaires fait office de phare d’attraction pour les écrivains de la région. « Des auteurs de ma génération, par exemple François Rouiller, gravitent autour d’elle depuis longtemps. C’est toujours le cas aujourd’hui avec les plus jeunes. On a constaté depuis une dizaine d’années l’éclosion progressive d’une nouvelle génération », pointe Jean-François Thomas. Depuis l’aube des années 2000, ce phénomène stimule une véritable émulsion. Réunions lors des mercredis de la SF, à Genève et à Lausanne, rassemblant passionnés et écrivains en herbe « échangeant des informations et se lisant parmi ». Présence suisse plus conséquente, « désormais identifiable », dans des conventions et des festivals.  Diversité au menu Des projets sont nés de ces fréquentations amicales comme Dimension Suisse : anthologie de science-fiction et de fantastique romande (Rivière Blanche, 2010), pilotée par Vincent Gessler et Anthony Vallat, qui recense nombre de nouveaux auteurs du cru. Certains d’entre eux ont eu le courage de se jeter dans le bain du roman, on en lit aujourd’hui les résultats. Jean-François Thomas assure : « Un mouvement romand existait, il bénéficie dorénavant d’une impulsion inédite. Ce phénomène ne va pas retomber, la science-fiction romande a décollé! ». Mais au fait, quelles sont les particularités de la SF de ce coin du système solaire ? Le passeur de savoirs de Défricheurs d’imaginaire estime « qu’elle n’a pas vraiment de thème commun. Mais comme la SF romande d’hier, celle d’aujourd’hui se signale par une grande diversité dans ces thèmes traités. Le facteur qui réunit ces nouveaux écrivains est un même amour de la littérature de genre. Et chacun d’entre eux se distingue par sa singularité ». Une singularité déclinée dans la pluralité grâce à un imaginaire débordant. Alors? Décollage immédiat vers de nouveaux espaces de fiction!  SF, dites-vous? Beaucoup de lecteurs mélangent science-fiction, fantastique et fantasy? Mise au point. La science-fiction (SF) se projette naturellement dans le futur, proche ou lointain, en y mêlant les apports de la science (robotique avec le Cycle de Fondation d’Isaac Asimov, intelligences artificielles), y compris selon une approche très pointue (hard science, Kim Stanley Robinson, Greg Egan), et des spéculations sur le devenir souvent néfaste de l’humanité comme avec le courant post-apocalyptique (Un cantique pour Leibowitz de Walter M. Miller, Malevil de Robert Merle, Stalker des frères Strougatski, La route de Cormac Mc-Carthy entre autres). Foisonnement de thèmes Si la dimension humaine est souvent ontologiquement perturbante (Philip K. Dick), on y traite d’utopies, plus encore de leurs contraires cauchemardesques, les dystopies (Tous à Zanzibar de John Brunner, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury). On s’égare dans des mondes parallèles ou au cours de perturbations temporelles (La machine à explorer le temps de H.G. Wells, Le Voyageur imprudent de René Barjavel) tandis que les voyages spatiaux (space opera) font cap vers de lointaines galaxies (Dune de Frank Herbert, Stephen Baxter). Le septième art s’est abondamment inspiré de tous ces courants: Metropolis, 2001: l’odyssée de l’espace, Solaris, Soleil vert, La Guerre des étoiles, Blade Runner, Matrix, etc. Le fantastique, lui, inclut l’élément surnaturel (fantômes, monstres, malédictions) comme une donnée fondamentale. Né avec le roman gothique, il s’est développé dans le sillage du romantisme au 19e siècle (E.T.A. Hoffmann, Poe, Maupassant); l’ère victorienne a accéléré sa diffusion (Bram Stocker, Henry James) et ses ramifications au 20e siècle: inclassable et inquiétant (H.P. Lovecraft, Jorge Luis Borges), urbain et palpitant (Richard Matheson), ironique et horrifique (Robert Bloch), voire saignant (Stephen King, Dean Koontz). Quant à la fantasy (heroic fantasy), elle est fille des mythes et légendes d’autrefois, mêlant magie et monde médiéval, quête et souffle épique (J.R.R. Tolkien, Ursula Le Guin, George R.R. Martin).  Trois auteurs en vue  Remarqué il y a deux ans avec Cygnis, Vincent Gessler récidive avec l’ovni drolatique Mimosa (L’Atalante, 344 pages), cette fois dans un registre très différent que son premier roman post-apocalyptique à la poésie en prose parfois ampoulée. Imagination vive et foisonnante, trame solide: le Valaisan d’origine a de l’avenir, c’est le moins que l’on puisse dire, sa sensibilité, nourrie d’histoire antique et d’archéologie durant ses études universitaires à Genève, le poussant résolument vers l’avant. En direction d’un futur aussi inquiétant que poilant, c’est selon.  Auteure de BD et illustratrice, Laurence Suhner vient de sortir le premier volume, Vestiges (576 pages), d’une trilogie particulièrement ambitieuse, QuanTika. Publiée comme Vincent Gessler aux éditions nantaises de L’Atalante, fleuron de la SF francophone, elle signe un ouvrage dense tenant autant de la hard science (un fait rare pour une écrivaine) que du space opera. Il y est question de la planète glacée Gemma, colonisée il y a des millénaires par une civilisation engloutie, désormais par des Terriens. Un sanctuaire dort dans les entrailles de cette terre hostile tandis qu’un vaisseau déserté est en orbite. Une microbiologiste métisse, Ambre Pasquier, en perce les mystères, entre physique quantique et mystères archéologiques ouvrant sur de nouvelles perspectives. Pour nombre de lecteurs, ce roman est un choc, un pavé qui annonce, espérons-le, d’aussi luxuriantes réussites.  Lucas Moreno, d’origine uruguayenne et Chaux-de- Fonnier de coeur, a compilé ses nouvelles parues ces dernières années dans diverses revues. Singulier pluriel (Hélice Hélas, 240 pages) est un recueil partagé entre sa passion de la science-fiction et son attraction viscérale pour le fantastique, avec une bonne louche de polar branque lorgnant du côté de Jack O’Connell. L’atmosphère y est sombre, les perspectives fort peu réjouissantes, mais le souci de l’être humain, placé au centre de l’échiquier de vies cabossées, pour ne pas dire cannibalisées, y est permanent. Une écriture sèche, à vif, redevable au hard boiled passé à la moulinette de David Lynch, assure des atmosphères étranges où l’inquiétude existentielle sourd pour éclater parfois dans des explosions de violence tripales. Un auteur à suivre également de très près. En attendant d’autres signatures?  Thibaut Kaeser Echo Magazine  

Suhner, Gessler - Echo Magazine

Cap vers les étoiles pour une nouvelle génération

De jeunes écrivains romands affectionnant les vertiges de la science-fiction et les angoisses du fantastique émergent sur la scène littéraire francophone. Ce n’est en rien une mode, mais un vrai phénomène. Appelé à durer? Suite vampirique la semaine prochaine.
L’espace comme champ d’explorations infinies. De jeunes auteurs locaux – Vincent Gessler, Lucas Moreno et Laurence Suhner – partent à la conquête des mondes, qu’ils soient d’ailleurs ou intimes.

La Suisse traîne une réputation de pays marqué dans ses gênes confédérés par le rationalisme protestant, le civisme tip-top et le patriotisme toupin, formaté par l’imaginaire alpin et son quatuor sacré chocolat-fromage-montres-banques. Toute médaille a pourtant son revers. Et chaque cliché, fût-il révélateur d’une vérité, pour le meilleur comme pour le pire, masque une autre réalité. Que la littérature aime dévoiler. 

De nouveaux talents

A l’heure actuelle, plusieurs talents, Vincent Gessler, Lucas Moreno et Laurence Suhner, entre le milieu de la trentaine et le début de la quarantaine, prouvent que la littérature suisse n’est pas uniquement marquée par un souci d’intériorité certes libérateur, mais parfois pénible – au 19e siècle, Henri-Frédéric Amiel incarna jusqu’à l’étouffement ce besoin irrépressible d’introspection. En effet, la veine romanesque souffle aussi sur les esprits épris de fantastique et d’avenirs incertains. La Suisse romande, comme l’a relevé Jean-François Thomas dans l’anthologie Défricheurs d’imaginaire (Bernard Campiche, 2009, 532 pages), est une terre où l’on s’adonne aussi au jeu de la spéculation. L’auteur, un Lausannois de 60 ans, explique: « La science- fiction romande existe depuis longtemps même si les gens sont souvent surpris de l’apprendre! ». Ancien critique littéraire à 24 Heures, il précise « avoir été frappé lors de mes recherches par la quantité de textes appartenant à ce genre : du célèbre savant du 18e siècle Albrecht Haller, féru d’utopies, au Fribourgeois Georges Panchard, dont Forteresse (2005) fut publié dans la prestigieuse collection Ailleurs & Demain de Robert Laffont, alors qu’aucun roman francophone n’y avait paru depuis vingt ans, en passant par l’injustement oublié Léon Bopp et une chanson de Jean Villard, dit Gilles ». Gilles? Oui, l’auteur de La Venoge, chanson chère au coeur des Vaudois...

Tous fans de SF

« Cette littérature très riche se heurte hélas aux préjugés. Pour beaucoup, la science-fiction reste une "sous-littérature". Certains reconnaissent la valeur de 1984 de George Orwell, Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley et Jules Verne, mais sans avoir la curiosité d’aller voir plus loin. » Jean-François Thomas ne se laisse cependant pas abattre : « Dans le classement des dix films préférés de tous les temps, on trouve cinq films de SF. A vrai dire, les gens ignorent souvent qu’ils aiment ce style de cinéma ou de roman ». Une contradiction qui est peut-être un hommage inconscient rendu à un genre appréciant les paradoxes aussi bien que l’interrogation sur les rapports entre science, technologie et société, et la hantise de l’avenir de l’humanité (surpopulation, dévastation écologique, exploration de l’espace). Fait symptomatique, la Suisse romande est dotée d’une institution unique en Europe: la Maison d’Ailleurs. Créé à Yverdon-les-Bains en 1976 sous l’impulsion de Pierre Versins, auteur d’une encyclopédie de référence sur le genre, ce musée de la science-fiction, de l’utopie et des voyages extraordinaires fait office de phare d’attraction pour les écrivains de la région. « Des auteurs de ma génération, par exemple François Rouiller, gravitent autour d’elle depuis longtemps. C’est toujours le cas aujourd’hui avec les plus jeunes. On a constaté depuis une dizaine d’années l’éclosion progressive d’une nouvelle génération », pointe Jean-François Thomas. Depuis l’aube des années 2000, ce phénomène stimule une véritable émulsion. Réunions lors des mercredis de la SF, à Genève et à Lausanne, rassemblant passionnés et écrivains en herbe « échangeant des informations et se lisant parmi ». Présence suisse plus conséquente, « désormais identifiable », dans des conventions et des festivals. 

Diversité au menu

Des projets sont nés de ces fréquentations amicales comme Dimension Suisse : anthologie de science-fiction et de fantastique romande (Rivière Blanche, 2010), pilotée par Vincent Gessler et Anthony Vallat, qui recense nombre de nouveaux auteurs du cru. Certains d’entre eux ont eu le courage de se jeter dans le bain du roman, on en lit aujourd’hui les résultats. Jean-François Thomas assure : « Un mouvement romand existait, il bénéficie dorénavant d’une impulsion inédite. Ce phénomène ne va pas retomber, la science-fiction romande a décollé! ». Mais au fait, quelles sont les particularités de la SF de ce coin du système solaire ? Le passeur de savoirs de Défricheurs d’imaginaire estime « qu’elle n’a pas vraiment de thème commun. Mais comme la SF romande d’hier, celle d’aujourd’hui se signale par une grande diversité dans ces thèmes traités. Le facteur qui réunit ces nouveaux écrivains est un même amour de la littérature de genre. Et chacun d’entre eux se distingue par sa singularité ». Une singularité déclinée dans la pluralité grâce à un imaginaire débordant. Alors? Décollage immédiat vers de nouveaux espaces de fiction! 

SF, dites-vous?

Beaucoup de lecteurs mélangent science-fiction, fantastique et fantasy? Mise au point. La science-fiction (SF) se projette naturellement dans le futur, proche ou lointain, en y mêlant les apports de la science (robotique avec le Cycle de Fondation d’Isaac Asimov, intelligences artificielles), y compris selon une approche très pointue (hard science, Kim Stanley Robinson, Greg Egan), et des spéculations sur le devenir souvent néfaste de l’humanité comme avec le courant post-apocalyptique (Un cantique pour Leibowitz de Walter M. Miller, Malevil de Robert Merle, Stalker des frères Strougatski, La route de Cormac Mc-Carthy entre autres).
Foisonnement de thèmes
Si la dimension humaine est souvent ontologiquement perturbante (Philip K. Dick), on y traite d’utopies, plus encore de leurs contraires cauchemardesques, les dystopies (Tous à Zanzibar de John Brunner, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury). On s’égare dans des mondes parallèles ou au cours de perturbations temporelles (La machine à explorer le temps de H.G. Wells, Le Voyageur imprudent de René Barjavel) tandis que les voyages spatiaux (space opera) font cap vers de lointaines galaxies (Dune de Frank Herbert, Stephen Baxter). Le septième art s’est abondamment inspiré de tous ces courants: Metropolis, 2001: l’odyssée de l’espace, Solaris, Soleil vert, La Guerre des étoiles, Blade Runner, Matrix, etc. Le fantastique, lui, inclut l’élément surnaturel (fantômes, monstres, malédictions) comme une donnée fondamentale. Né avec le roman gothique, il s’est développé dans le sillage du romantisme au 19e siècle (E.T.A. Hoffmann, Poe, Maupassant); l’ère victorienne a accéléré sa diffusion (Bram Stocker, Henry James) et ses ramifications au 20e siècle: inclassable et inquiétant (H.P. Lovecraft, Jorge Luis Borges), urbain et palpitant (Richard Matheson), ironique et horrifique (Robert Bloch), voire saignant (Stephen King, Dean Koontz). Quant à la fantasy (heroic fantasy), elle est fille des mythes et légendes d’autrefois, mêlant magie et monde médiéval, quête et souffle épique (J.R.R. Tolkien, Ursula Le Guin, George R.R. Martin). 

Trois auteurs en vue 

Remarqué il y a deux ans avec Cygnis, Vincent Gessler récidive avec l’ovni drolatique Mimosa (L’Atalante, 344 pages), cette fois dans un registre très différent que son premier roman post-apocalyptique à la poésie en prose parfois ampoulée. Imagination vive et foisonnante, trame solide: le Valaisan d’origine a de l’avenir, c’est le moins que l’on puisse dire, sa sensibilité, nourrie d’histoire antique et d’archéologie durant ses études universitaires à Genève, le poussant résolument vers l’avant. En direction d’un futur aussi inquiétant que poilant, c’est selon. 

Auteure de BD et illustratrice, Laurence Suhner vient de sortir le premier volume, Vestiges (576 pages), d’une trilogie particulièrement ambitieuse, QuanTika. Publiée comme Vincent Gessler aux éditions nantaises de L’Atalante, fleuron de la SF francophone, elle signe un ouvrage dense tenant autant de la hard science (un fait rare pour une écrivaine) que du space opera. Il y est question de la planète glacée Gemma, colonisée il y a des millénaires par une civilisation engloutie, désormais par des Terriens. Un sanctuaire dort dans les entrailles de cette terre hostile tandis qu’un vaisseau déserté est en orbite. Une microbiologiste métisse, Ambre Pasquier, en perce les mystères, entre physique quantique et mystères archéologiques ouvrant sur de nouvelles perspectives. Pour nombre de lecteurs, ce roman est un choc, un pavé qui annonce, espérons-le, d’aussi luxuriantes réussites. 

Lucas Moreno, d’origine uruguayenne et Chaux-de- Fonnier de coeur, a compilé ses nouvelles parues ces dernières années dans diverses revues. Singulier pluriel (Hélice Hélas, 240 pages) est un recueil partagé entre sa passion de la science-fiction et son attraction viscérale pour le fantastique, avec une bonne louche de polar branque lorgnant du côté de Jack O’Connell. L’atmosphère y est sombre, les perspectives fort peu réjouissantes, mais le souci de l’être humain, placé au centre de l’échiquier de vies cabossées, pour ne pas dire cannibalisées, y est permanent. Une écriture sèche, à vif, redevable au hard boiled passé à la moulinette de David Lynch, assure des atmosphères étranges où l’inquiétude existentielle sourd pour éclater parfois dans des explosions de violence tripales. Un auteur à suivre également de très près. En attendant d’autres signatures? 

Thibaut Kaeser
Echo Magazine

 

Publié le 20 septembre 2012

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