Les Terriens se sont établis il y a 170 ans sur Gemma, une planète recouverte d’une carapace de glace de 4 kilomètres et assortie d’un mystère impénétrable, Le Grand Arc, un vaisseau géant abandonné en orbite par les Bâtisseurs. Un rêve récurrent a attiré Ambre Pasquier, docteure en exobiologie, dans cet enfer glacé, soumis à d’inquiétantes distorsions des constantes fondamentales et déchiré par des luttes entre colons. La jeune femme dirige une expédition à travers la couche de glace, jusqu’au Temple noir où dorment des forces inouïes… Premier volume d’une trilogie intitulée QuanTika, Vestiges fait plus de 500 pages et tient toutes ses promesses dans un crescendo parfaitement maîtrisé. On en redemande. La suite de ce «planet opera» inscrit à la tangente de la science et du mysticisme sera «exponentielle», promet l’auteure. On la croit. Née à Genève au temps où l’homme mettait le pied sur la Lune, Laurence Suhner a grandi avec la science-fiction. Elle se passionne pour Yoko Tsuno, l’électronicienne dessinée par Roger Leloup, elle est amoureuse de Valérian, l’agent spatio-temporel imaginé par Christin et Mézières. Elle a 9 ans lorsqu’elle rédige son premier texte: la fin de Services Secrets Soucoupes, d’Henri Vernes, ne lui a pas plu. Elle aurait préféré que des extraterrestres pilotent les soucoupes plutôt que des voyageurs du futur. Alors elle réécrit les derniers chapitres de ce Bob Morane, et son père, économiste avec lequel elle imagine des scénarios d’aventures archéologiques, tape à la machine la conclusion révisée. Quand elle a 11 ans, un ami de son père lui prête La Plaie, de Nathalie C. Henneberg. La lecture de ce space opera ténébreux la frappe d’une évidence: elle écrira de la science-fiction. Elle atteint ce but par des chemins détournés. Après des études de lettres et une licence en égyptologie, elle apprend le dessin en autodidacte, suit une école de design. Elle travaille dans un laboratoire d’infographies 3D, Miralab, pour lequel elle réalise des clones de personnalités. Elle fait des story-boards pour le cinéma et publie des bandes dessinées comme Le Secret de Chimneys, sur un scénario de François Rivière. Au début du IIIe millénaire, la dessinatrice se met à penser à un vaisseau fantôme suspendu au-dessus d’une planète lointaine. A des colons qui rencontrent ceux qui les ont précédés, des milliers d’années plus tôt. Elle en tire un scénario de bande dessinée. Un accident lui bloque le bras droit. Momentanément empêchée de dessiner, elle franchit le pas tant ajourné. «J’ai tardé à me mettre à l’écriture. Je n’osais pas, cela me dépassait.» Elle s’en félicite, car sous forme dessinée Vestiges n’aurait pas pu exprimer tout son suc – la part dévolue à la physique quantique aurait été réduite. La science-fiction est plutôt une affaire d’hommes. Laurence Suhner découvre les préjugés qui entourent le genre. A la Fnac, elle surprend un client qui a son livre en main. Elle l’encourage à la lire, il décline au prétexte que «ça doit être de la science-fiction pour filles»… Mais non, c’est de la hard science, s’indigne-t-elle. Pour visualiser les personnages, les décors, les machines, pour affiner une mise en scène complexe, Laurence Suhner dessine. Ces croquis (visibles sur www.quantika-sf.com ) déterminent l’extrême précision des descriptions. Et les Bâtisseurs, ces extraterrestres dont la morphologie dépasse l’entendement du lecteur, les a-t-elle esquissés? «Oui, mais je ne les montrerai jamais», dit-elle sans ambages, privilégiant la puissance de l’imagination. Vestiges évoque quelques œuvres fameuses. On pense aux neiges éternelles de La Main gauche de la nuit, d’Ursula Le Guin, au vaisseau géant de Rendez-vous à Rama, d’Arthur C. Clarke, aux ruines d’une civilisation perdue dans Montagnes hallucinées, de Lovecraft, que Laurence Suhner adore. Son «maître» est toutefois contemporain, il s’agit de Robert Charles Wilson, auteur entre autres chefs-d’œuvre du prodigieux Blind Lake qui, sur le thème de l’intelligence quantique, se rapproche de Vestiges. Mêlant archéologie, glaciologie, exobiologie, physique quantique, ce roman foisonnant, didactique et palpitant fait surtout entendre une voix originale. Dans Vestiges, ce sont les «bols», les syllabes mnémotechniques de la rythmique indienne, qui permettent d’entrer en contact avec une civilisation extraterrestre dépourvue de langage mathématique. Dessinatrice et romancière, Laurence Suhner joue des tablas, a étudié la danse et la musique indiennes. Elle a aussi fait deux ans de physique à l’Université comme auditrice libre… La découverte du boson de Higgs la transporte, elle parle d’intrication, de superfluidité, de viscosité quantiques. Elle adorerait être chercheuse au CERN. Elle soupire: «Il me faudrait quatre vies pour faire tout ce que j’ai envie de faire.» Pour l’instant, retirée dans un chalet valaisan, Laurence Suhner travaille sur le second volume de QuanTika, à paraître au début de l’année prochaine. LeTemps.ch

Suhner - Vestiges - LeTemps.ch

Les Terriens se sont établis il y a 170 ans sur Gemma, une planète recouverte d’une carapace de glace de 4 kilomètres et assortie d’un mystère impénétrable, Le Grand Arc, un vaisseau géant abandonné en orbite par les Bâtisseurs. Un rêve récurrent a attiré Ambre Pasquier, docteure en exobiologie, dans cet enfer glacé, soumis à d’inquiétantes distorsions des constantes fondamentales et déchiré par des luttes entre colons. La jeune femme dirige une expédition à travers la couche de glace, jusqu’au Temple noir où dorment des forces inouïes…

Premier volume d’une trilogie intitulée QuanTika, Vestiges fait plus de 500 pages et tient toutes ses promesses dans un crescendo parfaitement maîtrisé. On en redemande. La suite de ce «planet opera» inscrit à la tangente de la science et du mysticisme sera «exponentielle», promet l’auteure. On la croit.

Née à Genève au temps où l’homme mettait le pied sur la Lune, Laurence Suhner a grandi avec la science-fiction. Elle se passionne pour Yoko Tsuno, l’électronicienne dessinée par Roger Leloup, elle est amoureuse de Valérian, l’agent spatio-temporel imaginé par Christin et Mézières. Elle a 9 ans lorsqu’elle rédige son premier texte: la fin de Services Secrets Soucoupes, d’Henri Vernes, ne lui a pas plu. Elle aurait préféré que des extraterrestres pilotent les soucoupes plutôt que des voyageurs du futur. Alors elle réécrit les derniers chapitres de ce Bob Morane, et son père, économiste avec lequel elle imagine des scénarios d’aventures archéologiques, tape à la machine la conclusion révisée.

Quand elle a 11 ans, un ami de son père lui prête La Plaie, de Nathalie C. Henneberg. La lecture de ce space opera ténébreux la frappe d’une évidence: elle écrira de la science-fiction. Elle atteint ce but par des chemins détournés. Après des études de lettres et une licence en égyptologie, elle apprend le dessin en autodidacte, suit une école de design. Elle travaille dans un laboratoire d’infographies 3D, Miralab, pour lequel elle réalise des clones de personnalités. Elle fait des story-boards pour le cinéma et publie des bandes dessinées comme Le Secret de Chimneys, sur un scénario de François Rivière.

Au début du IIIe millénaire, la dessinatrice se met à penser à un vaisseau fantôme suspendu au-dessus d’une planète lointaine. A des colons qui rencontrent ceux qui les ont précédés, des milliers d’années plus tôt. Elle en tire un scénario de bande dessinée. Un accident lui bloque le bras droit. Momentanément empêchée de dessiner, elle franchit le pas tant ajourné. «J’ai tardé à me mettre à l’écriture. Je n’osais pas, cela me dépassait.» Elle s’en félicite, car sous forme dessinée Vestiges n’aurait pas pu exprimer tout son suc – la part dévolue à la physique quantique aurait été réduite.

La science-fiction est plutôt une affaire d’hommes. Laurence Suhner découvre les préjugés qui entourent le genre. A la Fnac, elle surprend un client qui a son livre en main. Elle l’encourage à la lire, il décline au prétexte que «ça doit être de la science-fiction pour filles»… Mais non, c’est de la hard science, s’indigne-t-elle.

Pour visualiser les personnages, les décors, les machines, pour affiner une mise en scène complexe, Laurence Suhner dessine. Ces croquis (visibles sur www.quantika-sf.com ) déterminent l’extrême précision des descriptions. Et les Bâtisseurs, ces extraterrestres dont la morphologie dépasse l’entendement du lecteur, les a-t-elle esquissés? «Oui, mais je ne les montrerai jamais», dit-elle sans ambages, privilégiant la puissance de l’imagination.

Vestiges évoque quelques œuvres fameuses. On pense aux neiges éternelles de La Main gauche de la nuit, d’Ursula Le Guin, au vaisseau géant de Rendez-vous à Rama, d’Arthur C. Clarke, aux ruines d’une civilisation perdue dans Montagnes hallucinées, de Lovecraft, que Laurence Suhner adore. Son «maître» est toutefois contemporain, il s’agit de Robert Charles Wilson, auteur entre autres chefs-d’œuvre du prodigieux Blind Lake qui, sur le thème de l’intelligence quantique, se rapproche de Vestiges.

Mêlant archéologie, glaciologie, exobiologie, physique quantique, ce roman foisonnant, didactique et palpitant fait surtout entendre une voix originale. Dans Vestiges, ce sont les «bols», les syllabes mnémotechniques de la rythmique indienne, qui permettent d’entrer en contact avec une civilisation extraterrestre dépourvue de langage mathématique.

Dessinatrice et romancière, Laurence Suhner joue des tablas, a étudié la danse et la musique indiennes. Elle a aussi fait deux ans de physique à l’Université comme auditrice libre… La découverte du boson de Higgs la transporte, elle parle d’intrication, de superfluidité, de viscosité quantiques. Elle adorerait être chercheuse au CERN. Elle soupire: «Il me faudrait quatre vies pour faire tout ce que j’ai envie de faire.» Pour l’instant, retirée dans un chalet valaisan, Laurence Suhner travaille sur le second volume de QuanTika, à paraître au début de l’année prochaine.

Publié le 26 juillet 2012

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