Question : qu’ont en commun Vincent Gessler et Mohamed Ali ? Réponse : le jeu de jambes. Ça vous épate ? Moi non. Il faut savoir danser comme le papillon pour passer d’un roman comme Cygnis, estimé et estimable, à Mimosa, véritable déglingue hyper référencée et jouissive. Mimosa c’est un enchaînement crochet gauche-direct droit qui pique comme une abeille. La plume de Gessler se fait dard le temps d’une histoire à la saveur tarantinesque. Slurp, c’est bon comme un plat épicé. Tout commence en fait comme une série B cyberpunk, donc dans un futur à portée de main, donc dans une ville, grande forcément. À Santa Anna, il y a des gangs et de la mafia, il y a de la corruption et on peut se payer le luxe de prendre le nom et même le visage de sa star préférée parce que ça le fait bien et que c’est la mode. Votre dealer de café favori s’appellera donc Georges Clooney et vous servira du « What else ! » à chaque tasse sans que ça gêne. On pourra croiser Jésus, oui, le gars de Nazareth, et Arnold « Gary Coleman » (C’mon Gary Coleman !) au détour d’une rue. Hitler tient un bar suprémaciste où Staline bosse en cuisine. Da fuq wazzz da ? s’écrit-on alors. Bref, on rigole de bon coeur et Gessler la joue potache en long et en large en donnant l’impression au lecteur de s’amuser lui aussi comme un fou. Bon, à part la déconne, il y a aussi Tessa, notre héroïne si mignonne, genre détective privé à la gâchette sensible et la tatane aérienne. Avec son buddy Ed Harris (oui, le gars d’Abyss… enfin, son sosie), elle tente de résoudre une affaire bien louche où il est question de mimosa. Mais l’histoire tourne bien vite en eau de boudin et là, tout le monde sort les flingues pour une grande orgie pyrotechnique à faire chialer John Woo de bonheur. On se rend vite compte, et Tessa avec nous, que tout ça à plus à voir avec son passé à elle qu’avec une enquête lambda. Quand il s’agit de passer à l’action, Vincent Gessler épate. Ses scènes de combat sont d’un dynamisme bluffant, à tel point qu’on les lit d’une traite, presque en apnée. Là encore, l’auteur suisse convoque le meilleur du cinéma de genre américain et nous convie à une grande fiesta du calibre et de la mandale qui laisse couler les pages entre nos doigts. Mimosa est un actioner mis en mots avec toutes les qualités spectaculaires que l’on peut attendre des productions les plus marquantes : punchlines au timing impeccable, ampleur des mouvements de caméra, montage staccato… Pourtant, l’ouvrage apparaît plus profond que ne le laisse supposer son emballage sexy. Mine de rien, Gessler parvient à glisser dans son histoire un questionnement sur l’identité personnelle qui ne manque pas d’intérêt. Entre les intelligences artificielles et les nombreux personnages-sosies qui accompagnent Tessa, c’est toute la problématique de la construction de soi qui trouve un écho. Les personnages de Gessler sont confrontés à la nécessité de sortir d’un cadre comportemental calqué sur celui, fantasmé, de l’idole dont ils ont pris l’apparence, afin de s’adapter aux circonstances, aux changements brutaux qui affectent leur existence. Certains parviennent à un équilibre précaire entre leur désir d’être semblable à tel ou tel personnage/acteur et leur cheminement intime, quand d’autres s’enferment dans l’impasse d’un mimétisme têtu. Tessa, qui s’obstine à être unique, doit pourtant se recomposer peu à peu au fil de la découverte de son passé, confrontée qu’elle est à ses actes anciens dont les détails lui reviennent peu à peu en mémoire. Entre archétypes et individualités réelles, chacun tente de se positionner. Mimosa est sans doute un bon roman, un page turner futé et explosif qui joue habilement avec un corpus de références dans lequel le lecteur n’aura pas de mal à se retrouver. Vincent Gessler use d’une plume efficace pour jeter son histoire dans une course effrénée vers l’avant et réussit à nous garder sous tension jusqu’à un final qui esquive habilement le grand-guignolesque. L’auteur a voulu se faire plaisir, s’est copieusement lâché, mais il n’oublie jamais de s’amuser avec son lecteur. Point d’égoïsme donc, mais un vrai cadeau. En forme d’OVNI, certes. editionsnexus Frontières

Gessler - Mimosa - Frontières

Question : qu’ont en commun Vincent Gessler et Mohamed Ali ? Réponse : le jeu de jambes. Ça vous épate ? Moi non. Il faut savoir danser comme le papillon pour passer d’un roman comme Cygnis, estimé et estimable, à Mimosa, véritable déglingue hyper référencée et jouissive. Mimosa c’est un enchaînement crochet gauche-direct droit qui pique comme une abeille. La plume de Gessler se fait dard le temps d’une histoire à la saveur tarantinesque. Slurp, c’est bon comme un plat épicé.

Tout commence en fait comme une série B cyberpunk, donc dans un futur à portée de main, donc dans une ville, grande forcément. À Santa Anna, il y a des gangs et de la mafia, il y a de la corruption et on peut se payer le luxe de prendre le nom et même le visage de sa star préférée parce que ça le fait bien et que c’est la mode. Votre dealer de café favori s’appellera donc Georges Clooney et vous servira du « What else ! » à chaque tasse sans que ça gêne. On pourra croiser Jésus, oui, le gars de Nazareth, et Arnold « Gary Coleman » (C’mon Gary Coleman !) au détour d’une rue. Hitler tient un bar suprémaciste où Staline bosse en cuisine. Da fuq wazzz da ? s’écrit-on alors.

Bref, on rigole de bon coeur et Gessler la joue potache en long et en large en donnant l’impression au lecteur de s’amuser lui aussi comme un fou. Bon, à part la déconne, il y a aussi Tessa, notre héroïne si mignonne, genre détective privé à la gâchette sensible et la tatane aérienne. Avec son buddy Ed Harris (oui, le gars d’Abyss… enfin, son sosie), elle tente de résoudre une affaire bien louche où il est question de mimosa. Mais l’histoire tourne bien vite en eau de boudin et là, tout le monde sort les flingues pour une grande orgie pyrotechnique à faire chialer John Woo de bonheur. On se rend vite compte, et Tessa avec nous, que tout ça à plus à voir avec son passé à elle qu’avec une enquête lambda.

Quand il s’agit de passer à l’action, Vincent Gessler épate. Ses scènes de combat sont d’un dynamisme bluffant, à tel point qu’on les lit d’une traite, presque en apnée. Là encore, l’auteur suisse convoque le meilleur du cinéma de genre américain et nous convie à une grande fiesta du calibre et de la mandale qui laisse couler les pages entre nos doigts. Mimosa est un actioner mis en mots avec toutes les qualités spectaculaires que l’on peut attendre des productions les plus marquantes : punchlines au timing impeccable, ampleur des mouvements de caméra, montage staccato…

Pourtant, l’ouvrage apparaît plus profond que ne le laisse supposer son emballage sexy. Mine de rien, Gessler parvient à glisser dans son histoire un questionnement sur l’identité personnelle qui ne manque pas d’intérêt. Entre les intelligences artificielles et les nombreux personnages-sosies qui accompagnent Tessa, c’est toute la problématique de la construction de soi qui trouve un écho. Les personnages de Gessler sont confrontés à la nécessité de sortir d’un cadre comportemental calqué sur celui, fantasmé, de l’idole dont ils ont pris l’apparence, afin de s’adapter aux circonstances, aux changements brutaux qui affectent leur existence. Certains parviennent à un équilibre précaire entre leur désir d’être semblable à tel ou tel personnage/acteur et leur cheminement intime, quand d’autres s’enferment dans l’impasse d’un mimétisme têtu. Tessa, qui s’obstine à être unique, doit pourtant se recomposer peu à peu au fil de la découverte de son passé, confrontée qu’elle est à ses actes anciens dont les détails lui reviennent peu à peu en mémoire. Entre archétypes et individualités réelles, chacun tente de se positionner.

Mimosa est sans doute un bon roman, un page turner futé et explosif qui joue habilement avec un corpus de références dans lequel le lecteur n’aura pas de mal à se retrouver. Vincent Gessler use d’une plume efficace pour jeter son histoire dans une course effrénée vers l’avant et réussit à nous garder sous tension jusqu’à un final qui esquive habilement le grand-guignolesque. L’auteur a voulu se faire plaisir, s’est copieusement lâché, mais il n’oublie jamais de s’amuser avec son lecteur. Point d’égoïsme donc, mais un vrai cadeau. En forme d’OVNI, certes.

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Frontières

Publié le 19 juillet 2012

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