Hautement recommandable !

Nuit bleue & Béton rouge - Chroniques de lecture
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Dans un Hambourg gris et pluvieux, la procureure Chastity Riley, mère allemande, père américain d’où ses deux noms atypiques, enquête pour oublier l’absurdité du monde. Toujours vacillante mais sauvée par la proximité du premier bar louche venu, elle associe une totale incompréhension des convenances sociales – heureusement elle vit dans le quartier rouge peu susceptible d’être ne serait-ce que légèrement embourgeoisé* – à une perspicacité teintée d’empathie plus handicapante qu’autre chose. À ce cocktail, s’ajoute une ténacité certaine et une totale marginalité, ce qui se révèle étonnamment efficace dans ses enquêtes, qu’elles la conduisent à une série de meurtres du quartier chaud, à un trafic de drogue avec pignon sur rue ou à des crimes – vengeance personnelle, sociétale, autre ? – au spectaculaire revendiqué…

Comment suis-je tombée sur ces romans, mais tout simplement dans une table ronde de Toulouse polar du sud animé par Jean-Marc Lahérèrre sur le thème du paysage dans les polars (thème fascinant quoique finalement à peine effleuré mais qu’importe). Il y avait là une autrice à l’humour décapant et au charme décoiffé qui m’a immédiatement donné envie d’aller boire une bière avec elle. Il n’en fallait pas plus sinon le temps de trouver ses trois romans – les seuls publiés en français qui sont si je comprends bien, le premier, le sixième et le septième d’une série. Les voix de l’édition sont impénétrables. Chastity Riley – comme son autrice je pense – est de ces femmes qui aiment les villes pour ce qu’elles ont de délabré, d’inconfortable, d’insupportablement humain et grouillant, pour le brouillard, les grues, la pluie, le pavé gras et le verre cassé.  Elle arpente Hambourg de bars en troquets, son port immense et embrumé, son quartier rouge ou hurle la misère du monde, ses rues sombres ou lumineuses, bottes aux pieds, gueule de bois en arrière-plan et cerveau inlassablement en surchauffe. J’aime les polars dont l’écriture me touche, m’écorche, me parle enfin et ici c’est bien le cas. Hautement recommandable !

Yueyin

Publié le 1 décembre 2022

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