Nuit Bleue de Simone Buchholz est un polar étrange, qui respecte complètement les codes du genre, tout en s’en extirpant à chaque page.

Nuit bleue - Benjamin Fogel
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Premier titre de Fusion, la nouvelle collection de romans noirs, dirigée par Caroline de Benedetti et Emeric Cloche au sein des Éditions L'Atalante, Nuit Bleue de Simone Buchholz (traduit par Claudine Layre) est un polar étrange, qui respecte complètement les codes du genre, tout en s’en extirpant à chaque page. 
 
À première vue, tous les personnages du livre sont des solitaires : Chastity Riley, l’heroïne, procureure placardisée pour avoir voulu faire tomber son supérieur corrompu ; Faller Georg, commissaire à la retraite rongée par une affaire non classée ; Calabretta Vito, flic ravagé à cause d’une rupture difficile ; et enfin Joe, un homme mystérieux, qui vient de se faire tabasser par trois inconnus et dont Chastity a la charge. Mais derrière cette impression d’isolement, où chacun ne peut compter que sur lui-même pour encaisser le quotidien, se cache un vrai souffle collectif : quand un personnage chute, il peut toujours compter sur les autres. Car, dans Nuit Bleue, à la dureté de l’univers policier, se greffe un autre monde : celui des bars et de la nuit. Ici le bar n’est pas un lieu malfamé, mais un refuge, qui déborde de chaleur humaine, où l’on vient se ressourcer. Face aux policiers se dresse une autre galerie de personnages : les barmans – Klatsche, Rocco et Carla. Jamais l’enquête au cœur du livre ne dévore les liens sociaux et la nécessité de retrouver les siens autour d’une bière. 
 
C’est aussi un roman hanté, où l’histoire racontée du point de vue de Chastity est régulièrement interrompue par des bribes du passé, telles des traces des journaux intimes fictifs de chaque personnage. Tous ces pas de côtés modifient l’ambiance et les enjeux du roman, contribuant à sa spécificité. 
 
Au milieu de tout ça, il y a Hambourg, la ville, son port et son stade de foot. La drogue détruit la jeunesse, le système s’enlise dans la corruption, les stigmates du mur de Berlin pèsent encore sur le pays. Mais face au malheur se dresse l’amitié – bien plus que l’amour. C’est le seul rempart viable, la seule voie de traverse qui peut faire sortir le roman noir de ses gonds.
 
Benjamin Fogel
Publié le 31 mars 2021

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