Jeune auteur genevois, Vincent Gessler voit son premier roman publié par L’Atalante, maison de référence de l’imaginaire. Cygnis, une balade post-apocalyptique, étonne par sa langue ciselée.
«Le firmament poudreux se reflète dans l’onde immobile. Aucune lune ce soir, mais la danse ralentie des constellations contre l’horizon noir. Le sommeil souffle sur leurs paupières.»
Il raconte ainsi, Vincent Gessler, son histoire de science-fiction (SF). Avec cette langue ourlée, ce phrasé qui ne craint pas les hérésies selon les dogmes en vigueur. L’emploi généreux de l’adjectif, entre autres. Le jeune écrivain genevois n’esquive pas: «J’admets que cela puisse paraître sur-stylisé. J’ai voulu travailler l’écriture, il me semblait que ce texte l’imposait.» Par goût, ou plutôt par nécessité, afin de mieux déployer sa fiction parfois brutale.
Cygnis raconte le parcours de Syn, un trappeur chassant en compagnie de son loup en partie cybernétique. Le lecteur devine qu’il est plongé dans un monde post-apocalyptique. Le monde est fait de forêts ombrées, de la cité nommée Méandre, mélange de ruines rebâties et de câbles, ainsi que de plaines où rôdent des robots, a priori hostiles. Lors d’une fête, Méandre est infiltrée, des femmes sont volées. L’enlèvement des Sabines dans un univers de corps électroniques et d’interférences mentales. Et conté par cette écriture soignée.
Valaisan basé à Genève depuis ses études d’histoire médiévale à l’Université, Vincent Gessler apparaît sur la scène de la science-fiction par la grande porte. Un premier roman à L’Atalante, c’est plus qu’un bon lancement. Une reconnaissance d’emblée, par cette maison bretonne, balise des imaginaires. L’auteur de 33 ans s’était fait remarquer par une nouvelle publiée par l’éditeur de Nantes, dans son anthologie consacrée au festival annuel des Utopiales. Il a aussi conquis le jury d’une compilation lancée par Zoé et la Fnac, Les Tribulations d’un voyageur helvétique, en 2008.
Ces mises en jambes sont suivies de près du premier roman, Cygnis, donc. Avancée d’autant plus remarquable que les écrivains romands de SF relayés par l’édition hexagonale ne sont pas si nombreux: il y a eu Olivier Sillig, en 1995, avec Bzjeurd – repris en Folio –, ainsi que Georges Panchard et sa Forteresse en 2005, dans la prestigieuse collection Ailleurs & Demain de Robert Laffont. Vincent Gessler refuse de diagnostiquer une anémie de l’imaginaire: il y a eu, et il y a, des talents ici, une anthologie historique publiée l’année passée le démontre (Défricheurs d’imaginaire, chez Bernard Campiche). «Il faut faire attention à ne pas avoir des attentes démesurées par rapport à ce petit territoire…», plaide le nouvel entrant. (suite)
Nicolas Dufour - Le Temps