Bien longtemps après la fin du monde, du moins celui que nous connaissons, les vestiges de l’humanité vivent au sein d’une civilisation retournée à la nature ou presque. Revenus à l’essentiel – survivre –, fouisseurs, trappeurs, marchands itinérants, villageois sédentaires et autres troglodytes doivent se garder des périls divers. Ceux occasionnés par leur propre espèce, la routine en somme, mais également ceux provoqués par les robots en maraude. Dans ce monde en friches, Syn, jeune trappeur accompagné d’un loup mi-naturel, mi-synthétique, erre en marge des communautés humaines. Auteur de son propre ostracisme, il cache en son for intérieur des blessures intimes encore douloureuses. De quoi se méfier de lui-même et d’autrui durablement... La Suisse, l’autre pays de la SF, offre un terreau fertile en matière de romans excitants. Que ce soit l’ancien Olivier Sillig (Bzjeurd), plus récemment Frédéric Jaccaud (Monstre [Une enfance]) et maintenant Vincent Gessler, voici trois auteurs à découvrir ou redécouvrir sans surseoir ne serait-ce qu’un instant. D’une part, en raison de leur imagination, nourrie au meilleur des mauvais genres sans pour autant y demeurer inféodés. D’autre part, pour la qualité d’une écriture d’une finesse expressive admirable, tissant des ambiances et des caractères diablement envoûtants. « Le deuil s’enracine sur cette terre où nous marchons, toujours en rond. » Roman post-apocalyptique comme on dit dans les cercles autorisés, Cygnis diffuse d’emblée une mélodie captivante, faite de lenteur, de dialogues réduits à l’essentiel, de contemplation et d’introspection figés dans l’ambre de descriptions somptueuses. On se trouve comme pris au piège d’un temps immobile, goûtant aux sensations intenses suscitées par l’auteur helvète. Histoire simple et limpide, Cygnis vaut surtout pour son atmosphère. En quelques pages, l’alchimie opère et on est happé par celle-ci, succombant sous l’assaut des multiples réminiscences qu’elle réveille ; en vrac, Christian Charrière (La Forêt d’Iscambe) et Hayao Miyazaki, en particulier Nausicaä. « Il sent son corps chaud et endormi. Elle a déposé son sommeil au creux de son épaule et il voudrait que cela ne cesse jamais. » Ainsi, sur un mode mineur, sans esbroufe stylistique, Vincent Gessler déroule le cadre d’une intrigue classique et finalement très optimiste. Accompagnant le cheminement totalement intériorisé d’un solitaire, en guerre avec lui-même et forcément en quête de la paix intérieure, on découvre peu à peu une terre, certes désertée par la technologie triomphante, mais toujours en proie aux passions humaines. Et pendant que les pas de Syn le portent vers ses origines, l’humanité se cherche des raisons de continuer à avancer, sans replonger dans ses erreurs du temps jadis. Haine, ignorance, superstition, barbarie et guerre. Des violences dont Vincent Gessler ne nous épargne aucune manifestation.  Si Vincent Gessler n’est pas un novice en matière d’écriture, il réussit là un coup de maître. Si l’on ajoute une illustration de couverture absolument sublime par sa puissance d’évocation, le bilan s’avère plus que satisfaisant. Maintenant, on attend davantage d’audace et d’ampleur au niveau de l’intrigue. « Tout est fini, lui murmure Eilly à l’oreille. Et tout commence... »   Ubik Le Cafard cosmique

Gessler - Cygnis - Le cafard cosmique

Bien longtemps après la fin du monde, du moins celui que nous connaissons, les vestiges de l’humanité vivent au sein d’une civilisation retournée à la nature ou presque. Revenus à l’essentiel – survivre –, fouisseurs, trappeurs, marchands itinérants, villageois sédentaires et autres troglodytes doivent se garder des périls divers. Ceux occasionnés par leur propre espèce, la routine en somme, mais également ceux provoqués par les robots en maraude. Dans ce monde en friches, Syn, jeune trappeur accompagné d’un loup mi-naturel, mi-synthétique, erre en marge des communautés humaines. Auteur de son propre ostracisme, il cache en son for intérieur des blessures intimes encore douloureuses. De quoi se méfier de lui-même et d’autrui durablement...

La Suisse, l’autre pays de la SF, offre un terreau fertile en matière de romans excitants. Que ce soit l’ancien Olivier Sillig (Bzjeurd), plus récemment Frédéric Jaccaud (Monstre [Une enfance]) et maintenant Vincent Gessler, voici trois auteurs à découvrir ou redécouvrir sans surseoir ne serait-ce qu’un instant. D’une part, en raison de leur imagination, nourrie au meilleur des mauvais genres sans pour autant y demeurer inféodés. D’autre part, pour la qualité d’une écriture d’une finesse expressive admirable, tissant des ambiances et des caractères diablement envoûtants.

« Le deuil s’enracine sur cette terre où nous marchons, toujours en rond. »

Roman post-apocalyptique comme on dit dans les cercles autorisés, Cygnis diffuse d’emblée une mélodie captivante, faite de lenteur, de dialogues réduits à l’essentiel, de contemplation et d’introspection figés dans l’ambre de descriptions somptueuses. On se trouve comme pris au piège d’un temps immobile, goûtant aux sensations intenses suscitées par l’auteur helvète. Histoire simple et limpide, Cygnis vaut surtout pour son atmosphère. En quelques pages, l’alchimie opère et on est happé par celle-ci, succombant sous l’assaut des multiples réminiscences qu’elle réveille ; en vrac, Christian Charrière (La Forêt d’Iscambe) et Hayao Miyazaki, en particulier Nausicaä.

« Il sent son corps chaud et endormi. Elle a déposé son sommeil au creux de son épaule et il voudrait que cela ne cesse jamais. »

Ainsi, sur un mode mineur, sans esbroufe stylistique, Vincent Gessler déroule le cadre d’une intrigue classique et finalement très optimiste. Accompagnant le cheminement totalement intériorisé d’un solitaire, en guerre avec lui-même et forcément en quête de la paix intérieure, on découvre peu à peu une terre, certes désertée par la technologie triomphante, mais toujours en proie aux passions humaines. Et pendant que les pas de Syn le portent vers ses origines, l’humanité se cherche des raisons de continuer à avancer, sans replonger dans ses erreurs du temps jadis. Haine, ignorance, superstition, barbarie et guerre. Des violences dont Vincent Gessler ne nous épargne aucune manifestation. 

Si Vincent Gessler n’est pas un novice en matière d’écriture, il réussit là un coup de maître. Si l’on ajoute une illustration de couverture absolument sublime par sa puissance d’évocation, le bilan s’avère plus que satisfaisant. Maintenant, on attend davantage d’audace et d’ampleur au niveau de l’intrigue.

« Tout est fini, lui murmure Eilly à l’oreille. Et tout commence... »

 

Ubik Le Cafard cosmique

Publié le 7 juin 2010

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