Je me contenterais de saluer ce roman pour ce qu’il est : un authentique et rare chef-d’œuvre.

Le syndrome Quickson
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Il s’agit d’une histoire somme toute très simple. Nous sommes embarqués en même temps que Rosemary, simple humaine originaire de Mars qui décide de fuir sa planète natale et d’aller vivre dans le Voyageur, vaisseau tunnelier, missionné pour creuser des trous de vers à travers l’Espace pour le compte de l’Union Galactique. En gros.
Elle y rencontre un équipage hétéroclite. Très hétéroclite. Un capitaine humain, une pilote reptilienne (mais faut pas le dire c’est spéciste), un cuistot-infirmier mâle anciennement femelle doté de 6 mains-pieds et d’autant de cordes vocales, d’un mécano un peu barré, d’une autre mécano encore plus barrée, d’un ingénieur pas très sociable, d’un navigateur velu avec des tatouages rituels partout qui en fait sont deux et d’une IA très sensible.
Ça pourrait sembler beaucoup à assimiler. Pas du tout.

Et bien entendu, c’est d’abord là que le roman trouve sa plus grande force. Ses personnages sont absolument fabuleux, et je pèse mes mots. Un terme que j’aime à (trop) utiliser lorsqu’il s’agit de personnages est celui de souffle. Ceux là en ont à revendre. Des kilo-tonnes. Tous ont leurs motivations claires, leurs affects particuliers, distillés avec une maîtrise absolument incroyable au fur et à mesure que l’intrigue se noue et se dénoue, tout au long des dialogues ciselés que nous livre Becky Chambers. Drôles, émouvants, touchants, profonds, philosophiques, jamais assez d’adjectifs pour les décrire avec suffisamment de précision. Le seul mot qui me viendrait capable de résumer ma pensée serait « juste ». Tout sonne juste.
(Très grosse pensée à la traductrice Marie Surgers au passage. Travail de titan abattu avec une très grande classe.)

L’intrigue est loin d’être en reste, mais je n’en dévoilerai rien puisque bien qu’accrocheuse dans son ensemble, elle n’est somme toute qu’accessoire à un plus gros travail de psychologie et de réflexion sur ce que nous pouvons être en tant qu’êtres humains, mais plus encore en tant qu’êtres pensants, à l’échelle de nos sociétés et de la galaxie toute entière, du règne vivant lui-même. Il aurait été aisé de tomber dans beaucoup de poncifs, mais le naturel est saisissant. Tout s’emboîte sans accrocs, tout fait sens, tout s’enchaîne avec une fluidité, une tendresse qui réchauffe le cœur, nous rend meilleur.e.s et donne foi en quelque chose de plus fort que nous, un Amour universel, transcendant. Raison pour laquelle je ne livrerai pas non plus de détails supplémentaires sur les personnages, car ils méritent tous sans aucune exception d’être rencontrés et découverts, avec le maximum de détails aptes à vous surprendre et à vous séduire.

Alors on pourrait croire que j’en fais beaucoup, peut être trop. Certes. On m’a déjà reproché d’être parfois trop bon public. Je n’en ai cure. Vous aurez l’occasion de vous rendre compte que je tâche d’extraire des textes que je lis ce qu’ils ont de meilleur à donner. Si je n’y trouve rien, alors je le dis. Mais lorsque le meilleur est omniprésent, il faut savoir plier un genou et rendre hommage. Ce que je fais ici ; sans hésitation ni remords. J’aurais sans doute l’occasion d’être plus nuancé dans le futur, mais pour le moment, je me contenterais de saluer ce roman pour ce qu’il est : un authentique et rare chef-d’œuvre.

Publié le 2 janvier 2020

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