Partie mitigée, j'ai terminé L'espace d'un an conquise par ses personnages, par son univers. Je me suis installée petit à petit à leurs côtés et je m'y suis sentie tout à fait à mon aise. Franchement, cela me plairait de les retrouver.

Quel bookan !
Article Original
Le Voyageur, vaisseau tunnelier qui a pour mission de creuser des trous de ver dans l'espace, reprend sa route avec à son bord une nouvelle recrue. Rosemary, jeune humaine de Mars, s'est construit une nouvelle identité pour fuir son passé et s'est faite embauchée comme greffière.
Au sein de de cet équipage fait de membres pour la plupart issus d'espèces extra-terrestres, elle trouvera sa place et une place de choix.
 
[...] 
 
Quelques mois plus tard...
 
Comme d'habitude j'ai attaqué ce roman en ne sachant quasi rien de son contenu, je n'en attendais rien de particulier sinon que de me laisser happer par l'histoire. Je n'étais surtout pas préparée à ce que j'allais y trouver. A savoir, une histoire construite quasi à 100% sur ses personnages et leurs relations, interactions, avec en prime quelques éléments de background galactique.
 
J'avoue avoir craint au départ que le vocabulaire spécifique à l'univers SF décrit corse un peu ma lecture. Puis sont arrivés les premiers dialogues et ça a tout de suite donné un côté plus "humain" à cette entrée en matière particulièrement SF. Ils m'ont tout de suite plu ces échanges, par leur dynamisme, par leur piquant et humour, par ce qu'ils laissaient entrevoir des personnages et de l'histoire, par les émotions qu'ils suscitaient.
Pour autant, je n'avais pas quitté cette position de lectrice attentiste. Je me disais encore "quand est-ce que ça va bouger?" Alors je lis, je prends du plaisir (pas encore au point de me précipiter sur le roman) mais je reste dans l'expectative. Le fil narratif me laisse encore perplexe, le style ne retient pas plus que ça mon attention. J'attends.
 
Puis, je me rends compte que je m'habitue au vocabulaire spécifique (aidée sans doute en cela par les jeux SF auxquels je joue depuis longtemps). Je m'habitue aux membres de l'équipage, je m'attache à eux, je les trouve drôles, amicaux, inspirants, intrigants. Une des choses qui me ravit le plus dans cette lecture c'est le melting-pot d'espèces. Il me ramène justement à ce que je trouve et aime dans le jeu de rôle SF Mass Effect. La description de certains personnages extra-terrestres du Voyageur est comme un miroir des personnages du jeu. J'apprécie.
Mais soyons clair, si cela renforce mon adhésion à l'univers, tout ne tient pas à ça. Becky Chambers a apporté un tel soin à l'équipage du Voyageur que c'est comme si vous étiez montés à bord du tunnelier en compagnie de Rosemary. Vous faites petit à petit connaissance de chacun d'eux, vous découvrez leur histoire individuelle, d'où ils viennent, ce qu'ils sont, à quoi ils aspirent et vous apprenez à les aimer tels qu'ils sont. Même le plus antipathique d'entre eux. 
Et alors vous arrêtez d'attendre de l'action à tout-va et vous savourez ce que Becky Chambers vous offre. Des ami.es, une famille et une réflexion sur les relations et interactions inter-espèces. Il est alors question d'acceptation de l'autre, de ses différences. Il est alors question de s'ouvrir à d'autres visions des rapports, qu'ils soient amicaux, amoureux ou sexuels, d'en revoir nos conceptions parfois étriquées. Encore une fois, c'est quelque chose qui est déjà très présent dans le jeu Mass Effect et que je trouve d'ailleurs très appréciable pour son ouverture d'esprit sur le sujet.
Becky Chambers nous présente un récit basé sur des relations inter-espèces qui s'affranchit des barrières culturelles, de genres et ethniques. Je trouve ça intéressant et forcément d'actualité.
 
Au-delà de cet axe narratif centré sur les personnages, le récit s'ouvre quelque peu aussi à ce qu'il se passe dans l'univers spatial. Suffisamment pour comprendre que les Terriens ont foiré à un instant T, qu'ils ne sont pas une espèce dominante dans l'univers, qu'ils ont réussi à intégrer de peu une Union Intergalactique faite d'espèces extra-terrestres bien plus évoluées qu'eux et que l'Espace n'est pas exempt de conflits militaires et commerciaux mettant en péril cette unité. Certains regretteront peut-être que ces enjeux guerriers ne soient pas plus développés mais franchement, à titre personnel, ça m'a convenu. Par ailleurs, si l'action est quelque peu limitée dans L'espace d'un an, le roman n'en est pas non plus totalement exempt. Quelques évènements surviennent de temps à autre pour secouer un peu tout ce beau monde et leur montrer (si tant est qu'ils aient oublié) que dans l'infini de l'espace, ils ne sont que peu de chose.
 
Un dernier point que j'ai trouvé très intéressant dans ce roman, c'est sa portée linguistique. Il y est beaucoup question de langues, de modes de communication, parfois au-delà du langage parlé. C'est vraiment instructif de voir comment ces langages façonnent les personnages du roman, leurs relations à l'autre et au-delà comment ils façonnent le monde dans lequel ils évoluent.
 
Partie mitigée, j'ai terminé L'espace d'un an conquise par ses personnages, par son univers. Je me suis installée petit à petit à leurs côtés et je m'y suis sentie tout à fait à mon aise. Franchement, cela me plairait de les retrouver.
Je sais pour autant que ce n'est pas un titre qui fait/fera l'unanimité. D'aucuns ni trouveront pas leur compte, arc narratif trop axé sur les personnages, pas assez d'actions, de véritables fil conducteur, univers pas assez exploité. D'autres, tels que moi, seront tout à fait séduits par l'histoire de cet équipage, par ses individualités, par l'aspect culturel et linguistique, par une ambiance relativement cosy, surtout résolument positive.
J'ai juste envie de dire lisez et jugez sur pièce.
 
Publié le 10 avril 2018

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