Parue le 20 août dernier, Apprendre, si par bonheur… est une novella de science-fiction dite « positive » de l’autrice américaine Becky Chambers. Publié chez les éditions L’Atalante dans la collection La Dentelle du cygne, ce court texte aux grandes promesses faisait partie des sorties du mois d’août qui m’attiraient le plus pour son propos et pour sa diversité annoncée. Avais-je trop d’attentes? Est-ce que c’est à la hauteur? Voici ce que j’en ai pensé…
Apprendre, si par bonheur… est une novella qui frappe par son élégance. Élégance de la plume de l’autrice tout d’abord qui, en quelques phrases, nous envoûte dans un récit d’une grande beauté. Mais élégance du propos aussi. Car si nous nous trouvons ici face à un récit de space opera/planet opera, il est agréable d’y voir un réel soucis écologique qui redonne espoir en l’humanité. Nous suivons en effet 4 scientifiques, porté.e.s par une volonté d’apprendre et de découvrir, sans jamais désirer dominer ou interférer avec les environnements observés. Il y a, dans ce récit, une vraie réflexion éthique sur la recherche et la conquête spatiale, réflexion très approfondie pour un si petit format jusqu’à un final fabuleux qui conclue la novella avec une élégance infinie. Élégance, enfin, dans sa diversité. Becky Chambers nous offre une novella particulièrement inclusive avec 4 personnages tous symboles de diversité à plusieurs niveaux sans donner l’impression de faire un bingo de la diversité pour autant. Les personnages sont ainsi, tou.te.s s’incluent logiquement dans le récit sans que ce soit ni poussif ni central. De la diversité comme elle devrait toujours l’être: logique et proposée avec élégance! Et quelle finesse dans la psychologie des personnages! En si peu de pages, voir 4 personnalités évoluer en fonction de ce qu’ils vivent, développer des liens qui leur permettent de continuer à avancer en se poussant les un.e.s les autres quand l’un.e ou l’autre faillit, c’est exceptionnel. Et parce que tou.te.s sont si bien écrits, c’est aussi une jolie leçon d’humanité qui nous est offerte dans ce microcosme social, une lueur d’espoir. On s’attache en tout cas à cet équipage au point d’avoir le sentiment d’en faire partie, comme si, on se raccrochait enfin à l’humanité.
J’ai vu les traces de pas de Neil Armstrong, protégées par des dômes de verre, et, dans la même poussière lunaire, j’ai repensé à ma visite de la grotte d’Altamira. J’avais approché ma main de l’empreinte laissée par celle d’un inconnu trente-six mille ans plus tôt. Les deux fois, j’avais eu conscience d’être un maillon minuscule dans une chaîne formidable.
Aecor, c’était différent. Mes pas n’y laisseraient pas de traces. C’était de la glace, pas de la roche, et les geysers qui avaient lissé cet océan gelé effaceraient tout avec le temps. Mais je forgeais une chaîne nouvelle, et ce sentiment , je crois, est sans égal.
Bien que ce récit ne fasse que 140 pages, c’est une histoire profonde et dense qui nous est proposée. Nombreuses sont les explorations et découvertes exaltantes! Et Becky Chambers parvient avec brio à nous partager l’amour et l’excitation liée à ces percées scientifiques. On se sent partie de l’équipe de recherches à ce niveau-là, on se sent partie d’un tout pour qui, le vrai trésor au bout du chemin, c’est le savoir acquis. Ce récit est d’une richesse ahurissante! Mais il reste aussi très accessible pour les personnes qui, comme moi, n’ont pas le bagage scientifique adéquat. Car bien que contenant de réels propos de hard-science, cette novella est aussi une belle leçon de vulgarisation scientifique, la narratrice s’adressant à un destinataire inconnu et donc, probablement, novice dans plusieurs ou tous les domaines abordés. C’est avec beaucoup d’élégance, d’intelligence et de subtilité que Becky Chambers nous enrichit de savoir, le tout, rappelons-le, dans un récit qui place la connaissance comme objectif éthique et essentiel pour l’humanité. Jamais imbuvable, jamais lassante, la novella est aussi riche en émotions. Car ce récit nous transporte, nous touche, nous laisse pantois d’admiration. Un court écrin pour un contenu immense d’une grande beauté qui nous transporte vers d’autres galaxies et un peu d’espoir (#Indofan ^^).
En bref, c’est un coup de coeur pour Apprendre, si par bonheur…! Becky Chambers nous offre un récit court mais d’une richesse folle qui propose une belle leçon d’éthique et place le savoir sur un piédestal. D’une élégance rare, cette novella nous transporte, nous émeut et nous redonnerai presque espoir en l’humanité.
Nous n’avons rien trouvé que vous pourrez vendre. Nous n’avons rien trouvé d’utile. Nous n’avons trouvé aucune planète qu’on puisse coloniser facilement ou sans dilemme moral, si c’est un but important. Nous n’avons rien satisfait que la curiosité, rien gagné que du savoir.
Un groupe de quatre astronautes partis explorer des planètes susceptibles d’abriter la vie : hommes et femmes, trans, asexuels, fragiles, déterminés, ouverts et humains, ils représentent la Terre dans sa complexité.
Les critiques de Yuyine