Apprendre, si par bonheur est un superbe texte qui m’a personnellement beaucoup touché.

Apprendre, si par bonheur - L'épaule d'Orion
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Becky Chambers est une autrice heureuse. Enfin, je suppose. Son premier roman L’Espace d’un an, publié en 2015 (2016, pour la traduction française chez l’Atalante) est devenu un cycle, Les Voyageurs, composé désormais de quatre romans et pour lequel elle a obtenu le prix Hugo et le prix Julia-Verlanger en France, et pléthore de nominations. La science-fiction qu’elle écrit est depuis décrite comme positive et affublée de la taxonomie « hopepunk » dont elle n’a pas tardé à être propulsée cheffe de fil, le succès aidant.

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Apprendre, si par bonheur, Becky Chambers, court roman que j’ai trouvé formidable. Apprendre, si par bonheur est une émouvante ode à la recherche scientifique et à l’exploration, malgré tout. Et dans le contexte de l’histoire de cette novella, « malgré tout » signifie « malgré la fin du monde ».

Apprendre, si par bonheur se présente comme une lettre, un message envoyé à destination de la Terre par une astronaute partie depuis longtemps en mission d’exploration à 14 années lumières de sa planète d’origine.  Ariadne O’Neill ne sait pas à qui elle l’écrit, elle ne sait pas si quelqu’un la lira, mais elle doit l’écrire, pour elle et pour les trois autres astronautes qui sont avec elle. Ils ont voyagé en sommeil artificiel pendant 28 ans, pour explorer pendant une dizaine d’années quatre planètes situées dans la zone habitable de leur étoile et donc potentiellement porteuses de vie. C’est le récit de cette exploration en quatre chapitres, pour chaque planète visitée, que fait Becky Chambers, alors que les mauvaises nouvelles de la Terre, en proie aux dévastations climatiques et aux guerres qui en découlent, continuent de leur parvenir avec 14 ans de retard. Jusqu’à ce qu’elles ne parviennent plus.

Quoi qu’il se passe, malgré les mauvaises nouvelles, malgré les difficultés rencontrées, les quatre astronautes vont poursuivre leur mission. Ils découvriront la vie, sous diverses formes, parfois exubérantes, parfois primaires, mais toujours de la vie, y compris dans les endroits les plus hostiles. Becky Chambers invoque avec beaucoup de pédagogie différentes branches des sciences : biologie, géologie, chimie, génétique, astronomie, sans jamais perdre son lecteur mais en inscrivant son récit dans un cadre respectant l’état des connaissances scientifiques actuelles. Ce qui est la définition même de la hard-SF.

En grande professionnelle, Ariadne O’Neill entame ce récit de la façon la plus factuelle possible. Mais petit à petit, le vernis craque. Les quatre astronautes vont passer par des phases d’exultation devant la richesse de leurs découvertes, mais aussi de profond désespoir lorsque les choses se déroulent mal. Ariadne joue les psychologues, essayant de raccrocher ses compagnons à des souvenirs ou des promesses, mais elle aussi est fragilisée et inévitablement… Inévitablement se posera la question du choix, individuellement ou collectivement. Le dernier chapitre est celui du choix ultime, celui qu’il faut être plus qu’humain pour prendre. La conclusion est de toute beauté, mais aussi d’une immense mélancolie.

Apprendre, si par bonheur est un superbe texte qui m’a personnellement beaucoup touché.

Publié le 26 juillet 2022

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