On connaissait déjà Serge Lehman et Fabrice Colin scénaristes de bandes dessinées. Leur association nous vaut aujourd’hui une œuvre ambitieuse et un tantinet iconoclaste : la Brigade chimérique se présente comme une tentative française (oui, oui) de comic super-héroïque. Un programme audacieux et pour le moins alléchant.
Très vite – dès le titre ? –, une référence vient immédiatement en tête : la fameuse Ligue des gentlemen extraordinaires
d’Alan Moore et Kevin O’Neill. Serge Lehman et Fabrice Colin ont en
effet trouvé leurs héros tout prêts dans la littérature et le cinéma de
l’entre-deux-guerres (et sa réalité…). Pas nécessairement dans la seule
culture populaire : de Zamiatine à Kafka en passant par Fritz Lang et Jacques Spitz, c’est tout un pan de la culture européenne (en science-fiction et en fantastique) qui sert ici de source d’inspiration.
Mais le ton se montre assurément plus grave (et moins ouvertement « fun ») que dans le comic
de Moore : les auteurs nous décrivent rien de moins que « la fin des
super-héros européens », dans une Europe en proie au totalitarisme
(« Nous autres » à Moscou, le Docteur Mabuse à Métropolis, Gog à Rome,
la Phalange en Espagne), et à la veille de basculer dans une nouvelle
guerre mondiale. Les autres pays sont également dominés par les
super-héros « nés sur les champs de bataille de 14-18, dans le souffle
des gaz et des armes à rayons X » ; mais ils ne sont pas forcément
beaucoup plus fréquentables… Les alliances se dessinent déjà,
définissant l’avenir de l’Europe… et de ses super-héros.
Les auteurs savent
incontestablement nous accrocher, à la manière des meilleurs
feuilletonistes, et concluent chaque épisode sur un cliffhanger de bon aloi. Un bon point pour eux.
On fait confiance aux auteurs pour nous régaler dans les
épisodes suivants, tant ils ont placé la barre haute dès ce premier
volume.
L’histoire est belle et bien intrigante – pour ne pas dire
encore un peu (trop ?) floue… – et les personnages hauts en couleur,
« surhumains » ou non. En outre, à l’instar de la fameuse bande
dessinée d’Alan Moore précitée, le plaisir du lecteur se double d’un
jeu de piste de références plus ou moins cryptiques, merveilleuse
occasion de faire des découvertes enrichissantes. Sur le plan du
scénario, rien à redire ou presque.
On attend la
suite avec impatience. Preuve que cette tentative de comic super-héroïque à la française est une belle réussite.