Une merveille d'horreur gothique.

Méduse - Le Monde

DE JULES VERNE( 1828-1905) à Thomas Narcejac (1908-1998), des abysses océaniques à l'eau du bain ou au fleuve des morts, perdure, semble-t-il, une fascination nantaise pour l'élément liquide sous toutes ses formes. Il était donc normal qu'à l'heure de créer leur collection de poche, les éditions L'Atalante, sises à Nantes, empruntent son titre à l'univers marin. Fait-on mieux que «Neptune» ? Et surtout fait-on mieux que Méduse, troisième titre de la collection, extraordinaire roman de l'écrivaine québécoise Martine Desjardins, dont l'héroïne éponyme endure depuis sa naissance la malédiction d'une paire d'yeux insoutenables. Une horreur oculaire qui pétrifie net ceux qui la fixent et contraint l'intéressée à marcher voûtée, les pieds en dedans, le paquet d'algues de sa crinière rabattu sur les yeux comme un fantôme japonais. Subissant en martyre sa vie de famille, elle vit presque comme une libération l'exil qu'on lui impose au sein du mystérieux Athenaeum. Un pensionnat pour anomalies anatomiques dont la directrice, une harpie osseuse qui gère son domaine chouette à l'épaule et verge au poing, met à l'épreuve son étrange ignorance de la douleur.
Son parcours zigzagant et traumatisant vers la liberté connaîtra des épisodes dantesques, dont le port d'un collier de chenilles urticantes et le fait d'être dégommée par un vieillard mi-sénile avec un pistolet à bonbons ne sont pas les moindres. Une merveille d'horreur gothique.

François Angelier

Publié le 20 mai 2025

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