C’était fort, dérangeant et hypnotique.

Méduse - Une vie de papier
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Mais oui, encore ! Une réécriture d’une figure féminine de la mythologie. Et alors, si c’est bien fait, pourquoi s’en priver ?

L’époque semble contemporaine, les mœurs un peu moins. L’héroïne grandit dans une famille qui n’a de cesse de lui rappeler quel monstre elle est, avec ses yeux indescriptibles, écœurants, inhumains. Afin d’épargner cette vision d’horreur aux autres, on lui demande de vivre courbée, le regard baissé, les cheveux en rideau, avec le sol pour seul horizon. Le jour où son père la dépose dans un institut pour jeunes filles déviantes, elle pense pouvoir oublier ce qu’elle appelle ses Difformités, ses Anomalies, ses Atrocités, ses Calamités, pour enfin se concentrer sur l’apprentissage du monde qui l’entoure sans jamais vouloir l’inclure. Évidemment, rien ne se passe comme elle l’attend, et le récit initiatique commence… Je suis sûre que vous êtes déjà intrigué•e, donc je n’en dis pas plus.

Dans ce roman de Martine Desjardins, la mythologie côtoie le « body horror », le « dark academia » se mêle aux « freaks shows ». Imaginez la rencontre entre les univers de Tim Burton et de Ryan Murphy incarnée par une langue affranchie des normes, pleine de rythmes, de néologismes et d’évocations vives. Les chapitres sont courts, extrêmement bien construits, les personnages secondaires sont fascinants (et souvent bien puants) et la tension toujours latente. Tout cela est au service d’une fable féministe à la fois subversive et réjouissante.

En lisant Méduse, j’ai pensé à Sue Rainsford et son Jusque dans la terre pour le réveil des sens et l’éclosion du désir, pour la réappropriation du corps féminin, l’acceptation de sa puissance.

C’était fort, dérangeant et hypnotique. La fin est peut-être un peu trop évidente, mais ce qui reste ce sont les impressions, les émotions, les images, alors foncez !

Publié le 16 octobre 2023

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