Nuit bleue est un polar au charme ténébreux, dont la noirceur est contrebalancée par l’irrémédiable sympathie qu’inspirent des personnages que l’auteure parvient à rendre profonds en quelques coups de plume, et par l’énergie que dégage son écriture affutée et d'une éloquence parfois surprenante.

Nuit bleue - Book'ing
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C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé la plume nerveuse de Simone Buchholz, et son héroïne aussi attachante qu’atypique.

Chastity Riley vient d’être mise sur la touche pour avoir participé à la mise en accusation d’un supérieur corrompu. Contrainte de quitter son poste de procureure au sein de la division "milieu et criminalité organisée", elle est reléguée à la protection des témoins. C’est ainsi qu’elle se retrouve au chevet d’un mystérieux Joe, hospitalisé suite à un tabassage qui l’a sérieusement amoché. L’homme est peu coopératif, mais Chastity est tenace et maline. Bien que censée laisser la police mener l’enquête, elle parvient peu à peu à percer la carapace de ce dur-à-cuire revêche… Ses investigations la mènent jusqu’en Tchéquie, sur les traces d’un trafic de drogues de plus en plus ravageuses en provenance de Russie, qui dévorent tout sur leur passage en avançant vers l’ouest. 

Mais ce n’est pas vraiment l’intrigue policière qui fait l’intérêt et la singularité du roman. On sent bien en effet qu’elle n’est qu’un prétexte à l’auteure pour animer la galerie de personnages que constitue la bande d’amis fidèles et cabossés de Chastity, comptant aussi bien des flics (dont elle préfère la fréquentation à celle de collègues juristes trop collet monté) que d’anciens voyous, tous liés par leur haute tolérance à l’alcool, mais aussi et surtout un indéfectible sens de la solidarité.

Parmi eux l’inspecteur Calabretta, en pleine dépression suite à une déception amoureuse, et Georg Faller, ex-collègue du premier fraîchement retraité, obsédé par un mafieux Albanais que la police n’est jamais parvenue à inquiéter, qui mène désormais une vie de pacha dans sa belle villa du quartier de l’Elbe, fréquentant la bonne société. 

Et puis il y a Chastity, que j’ai eu le plaisir de rencontrer dans Rue Mexico, dont j’ai apprécié ici encore la personnalité anticonformiste, l’intégrité à toute épreuve -qui souvent la dessert-, et l’humour aussi acéré que désenchanté. Une femme de caractère, à la vie sentimentale chaotique, qui passe beaucoup de temps dans les bars, notamment dans ce Blaue Nacht que tient son amant du moment, mais qui lorsqu’elle est sur une enquête -même officieuse- ne lâche jamais le morceau.

La ville portuaire de Hambourg, et plus particulièrement son quartier populaire de Sankt Pauli, constitue également un personnage à part entière du roman, dont elle contribue pour beaucoup à entretenir cette étrange atmosphère grisâtre et glauque, qui par certains aspects pourtant séduit.   

Nuit bleue est un polar au charme ténébreux, dont la noirceur est contrebalancée par l’irrémédiable sympathie qu’inspirent des personnages que l’auteure parvient à rendre profonds en quelques coups de plume, et par l’énergie que dégage son écriture affutée et d'une éloquence parfois surprenante (voir la citation en début de billet !).

Publié le 21 novembre 2024

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