Le Sang des 7 rois est le volet initial d’une saga de fantasy
prévue en sept volumes. Un ambitieux projet pour un auteur dont c’est ici
la première publication… et un pari qu’on affirmera d’emblée gagné
tant, lorsqu’on ferme le présent roman, on ressent le besoin impérieux
des bonnes grandes fresques
auxquelles la fantasy nous a habitués : dire la suite.
Le Sang des 7 rois se déroule sur un continent unique, de niveau
technique médiéval relativement avancé, découpé en sept royaumes se
faisant la guerre aussi régulièrement que mollement. Le commerce existe,
malgré une topographie rendant les déplacements malaisés et longs. Le
féodalisme est universel et tous les habitants partagent le même style
de vie et une langue identique, ne se différenciant que par le noble
auquel ils se rapportent.
L’aventure commence dans un fief isolé dans les montagnes, quand deux
enfants disparaissent mystérieusement, emportés par un véritable
commando non violent ayant préparé son action depuis de longs mois et
déployant une logistique apparemment disproportionnée au regard de leur
butin : deux simples enfants de paysan. Ce rapt est en fait le signal
d’un bouleversement profond dans l’équilibre du monde et, de facto, le
point de départ de la saga. Le sergent d’armes du fief est envoyé par
son maître à la poursuite des kidnappeurs avec l’ordre bizarre de ne
surtout pas les rattraper. Au cours de cette poursuite marathon, notre
héros malgré lui va, à la grande surprise du lecteur, se transformer
radicalement, découvrir les origines du monde, des complots universels,
des manipulations à l’échelle du continent, sans oublier d’acquérir des
pouvoirs surhumains et même… devenir roi.
Un
résumé qui synthétise, pour le moins, les qualités centrales du livre :
complexité de l’intrigue, profondeur du « background », rebondissements
aussi étonnants que crédibles, et absence absolue de manichéisme. Ce
dernier point confère d’ailleurs un aspect remarquablement adulte au
monde, s’abstenant de le séparer en gentils et méchants, mais en le
peuplant d’une foultitude de groupes et d’individus ayant avant tout des
intérêts personnels, religieux ou nationaux. La richesse de l’intrigue
est renforcée par sa clarté ; à aucun moment le lecteur n’est perdu dans
des généalogies sans fins, des noms de personnages aussi abscons
qu’incompréhensibles, des conspirations à double tiroirs. Du coup
l’immersion se fait sans effort, et on suit avec délectation les
révélations que le héros a sur le monde, ce qui procure un plaisir de
lecture indéniable. Enfin, dernier élément positif, et pas des moindres :
le niveau de langue. Ce roman
ayant été écrit en français, aucune traduction n’est venue l’affadir ou
en abaisser le niveau. Le lecteur francophone, habitué, voire perverti
par la nullité des traductions de nombre d’ouvrages majeurs de fantasy,
sera de fait étonné par cette langue claire, concise, au vocabulaire
riche sans être précieux. Passé sa joie et sa surprise, il conspuera les
traducteurs ayant massacrés, avec la complicité de leurs éditeurs, « Le
Trône de fer », « L’Epée de vérité », sans oublier « Le Seigneur des
anneaux », et regrettera qu’aucune pétition en ligne n’existe pour
demander le rétablissement de la peine de mort pour les coupables de
sabotage caractérisé d’oeuvres qui les dépassent…
En résumé un excellent premier tome pour ce qui s’annonce une septalogie de grande qualité.
Un bémol, toutefois : la platitude des noms de lieux qui manque
sincèrement, pour le coup, de fantaisie. Appeler chacun des sept
royaumes d’un simple numéro (premier royaume, deuxième royaume, etc.)
est certes plus simple pour la lecture,mais enlève un peu de la magie au
monde.