« En bref, Vita Nostra est une lecture épatante que j’ose qualifier de chef d’oeuvre et pour laquelle je ne trouve malheureusement pas les bons mots pour vous exprimer mon ressenti. Une expérience, une oeuvre riche, un usage puissant des Mots, une réflexion intense, une lecture addictive. »

Les critiques de Yuyine
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Il y a des lectures qu’on aime profondément et dont on peut parler pendant des heures sans parvenir à se satisfaire des mots employés pour la qualifier tant les effets de la lecture ne peuvent se limiter à des adjectifs limités par leur sens. Vita Nostra est un de ceux-là. Aucun Mot, aucun Concept, aucun Verbe ne saurait parvenir à exprimer ce que j’ai vécu avec cette lecture. D’autant plus que l’oeuvre use du langage avec finesse et choisit avec soin les mots utilisés au point que je ne me sens pas légitime pour la qualifier sur ce même terrain. C’est une oeuvre transfictionnelle épatante qui m’a fait vivre une expérience que je qualifierai de projection, entre le vécu du personnage principal et mon vécu de lectrice. Point d’identification mais bien la Création de ponts significatifs entre l’histoire et l’effet qu’elle provoque. Je ne peux pas l’expliquer clairement, d’autant moins sans spoiler. C’est une expérience qui doit se vivre et qu’il serait dommage de galvauder et qui resterait surtout incompréhensible pour ceux qui ne l’ont pas découverte (ce qui fait là encore un parallèle certain avec l’intrigue!). N’ayez crainte, cependant, malgré mon discours obscur, Vita Nostra se dévore! Le roman nous jette rapidement dans une ambiance mystérieuse, un brouillard d’intrigues assumé et entretenu qui nous pousse à poursuivre encore et encore la lecture dans l’espoir de trouver des réponses à nos questions tout comme Sacha, l’héroïne, poursuit son avancée dans cet institut étrange, portée par sa curiosité et sa soif de connaissances. On progresse dans la lecture de manière quasi obsessionnelle, addiction prolongée par une construction narrative en petits passages entrecoupés d’astérisques dans trois grandes parties sans chapitre nous entraînant dans un rythme soutenu. On ne lit pas malgré le flou ambiant, mais bien grâce à ce flou ambiant, porté par une écriture efficace et sans compromis, marquée par la froideur de la culture slave mais aussi par sa puissance évocatrice. La traduction de Denis E. Savine est à saluer.

« J'ai formé le dessein de conter les métamorphoses des êtres en des formes nouvelles » - Ovide

Vita Nostra est un roman fantastique qui est comparé en quatrième de couverture à Harry Potter de J.K. Rowling (pour mieux pointer les différences). Si en effet, nous suivons bien une adolescente intégrée dans une école mystérieuses aux enseignements surprenants et que l’on s’intéresse aux liens entre les étudiants, le parallèle s’arrête là. Bercé dans une ambiance de peur, l’institut, par ses pratiques, ses conditions et ses risques évoque plus un Goulag que Poudlard. C’est dans cet univers âpre et menaçant qu’évoluent des adolescents très humains et pleins de failles, toujours en équilibre dans un monde où tout peut arriver, et surtout le pire. Sacha est une héroïne marquante et imparfaite qui touche profondément par ses défauts multiples. Son lien avec sa mère, mais aussi ses liens aux les autres étudiants illustrent les méandres du lien humain et les interrogent. Elle en devient une illustration de l’adolescence et du processus d’apprentissage qui sont loin des clichés habituels. Le livre dissèque l’adolescence et la met à jour de manière brillante. Les personnages sont d’ailleurs un point fort du récit, subtils et complexes, loin du manichéisme traditionnel. Le roman bouleverse finalement nos certitudes et nos références dans le genre pour présenter une oeuvre multiple d’une grande richesse. Entre des scènes plus classiques, sont intégrés des références philosophiques, mythologiques ou bien encore religieuses, autour de l’origine du monde. C’est un roman qui interroge la Parole, le concept d’existence et d’humanité et bien entendu les métamorphoses, tant physiques que psychologiques, très marquées au passage à l’âge adulte et abordées ici de manières multiples. Et même si certains passages demandent de s’accrocher quelque peu, on est tellement bluffé par l’intelligence de ce roman qu’on le lit avec aisance au point, nous aussi, d’en être transformé. Ce titre ne plaira cependant pas à tout le monde car il demande de se laisser emporter sans être sûr d’avoir des réponses à nos questions. Mais je le trouve pour ma part éblouissant de maîtrise et marquant pour l’expérience qu’il m’aura fait vivre, en reflet de celle de Sacha.

En bref, Vita Nostra est une lecture épatante que j’ose qualifier de chef d’oeuvre et pour laquelle je ne trouve malheureusement pas les bons mots pour vous exprimer mon ressenti. Une expérience, une oeuvre riche, un usage puissant des Mots, une réflexion intense, une lecture addictive… Vita Nostra c’est tout ça et bien plus.

Publié le 2 mars 2020

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