Vraiment, un roman déroutant. Cela reste aussi une de mes meilleures lectures 2022.

Vita Nostra - Kiryelles
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Vita Nostra : la magie comme vous ne l’avez jamais vue

Vita Nostra est le premier tome d’une trilogie intitulée Les métamorphoses et inspirée par l’œuvre éponyme d’Ovide. Chaque tome reprend une phrase latine : vita nostra / brevis est / brevi finietur, ce qui signifie « notre vie est brève, elle s’achèvera bientôt ». Cette maxime est tirée d’une chanson du XVIIIe siècle intitulée Gaudeamus igitur et considérée comme l’hymne international des étudiant·es. Il en existe une version en français. Et la strophe dans laquelle se trouve cette maxime dit :

 

Notre vie est brève

Elle s’achèvera bientôt

La mort vient rapidement

Nous arrache atrocement

En n’épargnant personne

De quoi mettre dans le bain tout de suite !

Le roman est rédigé à quatre mains par un couple d’auteur·trices : Marina et Sergueï Diatchenko. Ukrainien·ne·s d’origine, iels écrivent majoritairement en russe et bénéficient d’une imposante bibliographie. Paru dans sa langue originale en 2007, Vita Nostra a été traduit et publié en France par L’Atalante en 2019. Et il n’est pas passé inaperçu ! Grand prix de l’imaginaire 2020, prix Imaginales du roman étranger 2020, prix Elbakin.net 2020, prix Planète SF des blogueurs 2020…

Vita Nostra est un roman de fantasy qui se déroule de nos jours en Russie. Sacha a 16 ans et est en vacances au bord de la plage avec sa mère. Une échappée extraordinaire pour cette famille pauvre et cette lycéenne qui travaille d’arrache-pied dans le but d’intégrer une prestigieuse université et de changer de condition sociale.

Jusqu’à ce qu’elle croise le chemin de Farit Kojennikov, un homme en costume et lunettes noir·es, venu la recruter. Sacha aimerait y échapper, mais une boucle temporelle se referme sur elle jusqu’à ce qu’elle cède. La voilà obligée de faire des tâches toutes plus étranges les unes que les autres, de s’infliger une discipline spartiate. Songerait-elle seulement à l’éviter, les conséquences pour ses proches seraient terribles.

Les mois passent. Et Sacha doit renoncer à tous ses projets pour intégrer l’Institut des technologies spéciales. La vie étudiante se déroule alors : loin de tout, dans le petit bourg de Torpa, dans un internat désuet, avec d’autres adolescent·es choisi·es malgré elleux, où se succèdent rivalités, histoires d’amour, frayeurs, réussites…

Les professeurs sont à la fois tyranniques et encourageants. Car Sacha est brillante. Si les livres qu’on lui demande d’étudier ne veulent rien dire, elle s’accroche jusqu’à ce que son esprit s’adapte. Et elle dompte alors peu à peu les mots — car la magie, dans ce roman, est traitée de manière très singulière, novatrice pour un lectorat d’Europe de l’Ouest. C’est organique, anatomique, chirurgical, presque scientifique. Et tout repose sur les mots et le langage. Les années passant, Sacha se transforme — parfois littéralement —, se découvre des capacités.

Vraiment, un roman déroutant. Et dans sa manière de traiter de la magie, et dans la culture qu’il présente — slave. Quand on n’en a pas l’habitude, on peut vite se perdre. Sacha, par exemple, n’est que le diminutif d’Alexandra, Samokhina de son nom de famille. Les personnages sont appelé·es tantôt par leur nom de famille, tantôt par leur prénom complet, tantôt par leur diminutif — qui n’est pas toujours évident à rapprocher de son nom d’origine. Il y a une mentalité également très différente. C’est dépaysant, à tous les égards. Et la fin fait l’effet d’une gifle.

 

Mais cela reste aussi une de mes meilleures lectures 2022. Je vous parlerai bientôt du deuxième tome, sorti l’an dernier. Et j’attends de pied ferme le dernier, qui devrait paraître en 2023.

Publié le 1 décembre 2022

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