Ecrit à quatre mains par le couple Ukrainien Sergueï et Marina Diatchenko, Vita Nostra est un livre de fantasy urbaine qui rompt avec les clichés habituels du genre.
Auteurs de trente romans et d'une centaine de nouvelles, Sergueï et Marina Diatchenko explorent depuis longtemps les univers de la science-fiction, du fantastique et de la fantasy.
L'histoire démarre alors que la jeune Sacha est en vacances sur le littoral, en compagnie de sa mère. Très vite, elle remarque un homme qui se retrouve perpétuellement sur sa route, toujours à la suivre du regard, les yeux dissimulés derrière des lunettes noires. Il est là, telle une présence obsédante, jusqu'à hanter ses rêves. Les événements se précipitent le jour où il l'aborde et lui propose un étonnant challenge, celui de se baigner nue, chaque matin, à 4 heures précises, et d'uriner dans un buisson avant de rentrer chez elle. Malgré l'absurdité de la demande, elle sent comme une menace sous-jacente et décide d'obéir sans rechigner. Mais plus étrange encore est que chaque baignade est toujours suivie par le vomissement d'une poignée de pièces d'or ! Aux termes des vacances, il l'invite alors à rejoindre l'université de Torpa à la rentrée, lui affirmant que son destin l'attend là-bas. Paniquée, elle ne voit pas comment faire accepter pareille orientation à sa mère. Elle y parvient pourtant et part s'installer dans cette école à l'apparence si banale qui va la changer à tout jamais.
Ce sont Les Métamorphoses d'Ovide et le vers, Vita nostra brevis est, brevi finietur du Gaudeamu qui ont inspiré Marina et Sergueï Diatchenko pour l'écriture de ce cycle. Voici les deux fils d'Ariane sur lesquels les intrigues ont été bâties. En gardant cela en tête, l'immersion dans ce roman n'en est que plus aisée.
Avec ce livre, notre lecture est double car ce thème de la métamorphose exploité par les auteurs se manifeste à deux niveaux. En premier lieu, il s'illustre par la quête d'identité, qui accompagne de manière classique le passage de l'enfance à l'âge adulte -un élément récurrent en fantasy et dans la littérature young-adult. En l’occurrence, Sacha va devoir s'affranchir de sa mère pour exister par elle-même, et, à Torpa, elle est appelée à exercer sa toute nouvelle liberté. En second lieu, il prend la forme d'un élément surnaturel. Beaucoup de mystères planent en effet autour de l'école, particulièrement en ce qui concerne la matière dite "spécialité" que l'on y enseigne. Aucun élève ne comprend son intérêt et tous trouvent les exercices absurdes, voire irréalisables.
La génération Harry Potter s'attendra sans doute a être immergée dans une école dispensant des cours de magie. Finalement, ici il s'agit davantage d'une introspection intérieure conduisant l'élève à développer de nouvelles capacités, comme celle d'altérer le monde. A la lumière de ce fait, ce récit est à la fois surprenant et déconcertant.
Les auteurs laissent planer le doute presque d'un bout à l'autre du livre, au point de nous faire nous interroger sur la place réelle de l'Imaginaire au sein de leur univers. Notion bien présente mais discrète, ce qui démontre aussi leur volonté d'ancrer le récit dans des problématiques de notre société. Car après tout, Sacha est animée des mêmes doutes et des mêmes interrogations qu'un adolescent lambda. Ainsi, elle doit accepter le remariage de sa mère, la naissance de son petit frère ou encore les relations difficiles avec les garçons. Finalement, les auteurs abordent tous les petits tracas de la vie, ce qui en fait un livre à la fois très actuel et hors du temps.
Bien écrit ce roman est une porte ouverte sur un imaginaire déroutant et plein de surprises.
Publié le 4 décembre 2019