Dans un avenir indéfini mais proche. Les catastrophes dues au dérèglement climatique global ont entraîné la chute des Etats et le délitement de la civilisation. L’Europe se désertifie, au sens propre comme au figuré. En Espagne, en France, en Italie, on survit comme on peut, en se nourrissant de rats quand on en trouve et d’une eau de moins en moins potable. On rêve de partir vers le Nord, où la température est sans doute restée clémente… mais, sur les îles Lofoten, en Norvège, la pêche est de plus en plus pauvre et l’afflux continu de réfugiés n’améliore pas les conditions de vie. Ou bien on tente d’entrer dans le cercle des privilégiés qui vivent dans des enclaves protégées et climatisées… mais, à Davos, en Suisse, le quota d’outers acceptés sous le dôme diminue d’année en année. L’espoir diminue comme les réserves d’eau et la colère monte avec la température. Ceux qui connaissent déjà AquaTM seront ici en terrain connu, car Exodes peut sans souci en être présenté comme la suite logique. Les deux romans ne manqueront pas d’être comparés même si, sans lien narratif, ils peuvent être lus indépendamment. Au chapitre des points faibles relatifs, on notera que l’auteur a, cette fois, délaissé le volet ethnique-fiction qui faisait l’un des régals du précédent opus, en situant entièrement son action en Europe. En outre, on pourra regretter un rythme souvent haché par un suremploi de parenthèses (souvent inutiles) dans le texte. Mais ces concessions n’occulteront pas les points forts du nouveau roman. Si AquaTM nous avait présenté trois histoires imbriquées, Jean-Marc Ligny aligne ici six intrigues dont les convergences sont minutieusement concoctées. Une nouvelle étape est franchie en matière de psychologie des personnages par une large diversité de comportements imaginés face à une situation de déchéance généralisée : chaque lecteur devrait pouvoir se retrouver et reconnaître ses proches dans les personnages. Le réalisme de l’ensemble n’en est que plus saisissant. Enfin, en prenant garde d’en trop révéler, on signalera que certaines spécificités d’Exodes pourront surprendre, jusqu’au dernier chapitre qui n’est cousu de fil blanc qu’en apparence : il laissera sans doute une trace durable dans la mémoire de bien des lecteurs… On sait depuis longtemps que l’optimisme est une affliction due à un manque d’imagination chronique ; que l’irresponsabilité qui en découle sévit de manière alarmante parmi les décideurs politiques et financiers ; et que l’imprévoyance qui en résulte accroît nos chances de finir par voir le pire se produire. Né en 1956, Jean-Marc Ligny vivra-t-il assez longtemps pour voir de ses yeux ce qu’il a anticipé ? Gageons que les optimistes en douteront. Xavier Noÿ

Ligny - Exodes
Dans un avenir indéfini mais proche. Les catastrophes dues au dérèglement climatique global ont entraîné la chute des Etats et le délitement de la civilisation. L’Europe se désertifie, au sens propre comme au figuré. En Espagne, en France, en Italie, on survit comme on peut, en se nourrissant de rats quand on en trouve et d’une eau de moins en moins potable. On rêve de partir vers le Nord, où la température est sans doute restée clémente… mais, sur les îles Lofoten, en Norvège, la pêche est de plus en plus pauvre et l’afflux continu de réfugiés n’améliore pas les conditions de vie. Ou bien on tente d’entrer dans le cercle des privilégiés qui vivent dans des enclaves protégées et climatisées… mais, à Davos, en Suisse, le quota d’outers acceptés sous le dôme diminue d’année en année.
L’espoir diminue comme les réserves d’eau et la colère monte avec la température.
Ceux qui connaissent déjà AquaTM seront ici en terrain connu, car Exodes peut sans souci en être présenté comme la suite logique. Les deux romans ne manqueront pas d’être comparés même si, sans lien narratif, ils peuvent être lus indépendamment.
Au chapitre des points faibles relatifs, on notera que l’auteur a, cette fois, délaissé le volet ethnique-fiction qui faisait l’un des régals du précédent opus, en situant entièrement son action en Europe. En outre, on pourra regretter un rythme souvent haché par un suremploi de parenthèses (souvent inutiles) dans le texte.
Mais ces concessions n’occulteront pas les points forts du nouveau roman. Si AquaTM nous avait présenté trois histoires imbriquées, Jean-Marc Ligny aligne ici six intrigues dont les convergences sont minutieusement concoctées. Une nouvelle étape est franchie en matière de psychologie des personnages par une large diversité de comportements imaginés face à une situation de déchéance généralisée : chaque lecteur devrait pouvoir se retrouver et reconnaître ses proches dans les personnages. Le réalisme de l’ensemble n’en est que plus saisissant.
Enfin, en prenant garde d’en trop révéler, on signalera que certaines spécificités d’Exodes pourront surprendre, jusqu’au dernier chapitre qui n’est cousu de fil blanc qu’en apparence : il laissera sans doute une trace durable dans la mémoire de bien des lecteurs…
On sait depuis longtemps que l’optimisme est une affliction due à un manque d’imagination chronique ; que l’irresponsabilité qui en découle sévit de manière alarmante parmi les décideurs politiques et financiers ; et que l’imprévoyance qui en résulte accroît nos chances de finir par voir le pire se produire. Né en 1956, Jean-Marc Ligny vivra-t-il assez longtemps pour voir de ses yeux ce qu’il a anticipé ? Gageons que les optimistes en douteront.
Xavier Noÿ
Publié le 16 août 2012

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