Jean-Marc Ligny, après son formidable AquaTM, où il raconte, la lutte d'un peuple pour conserver l'usage de son eau, contre des rapaces financiers, continue d'explorer notre probable futur. Avec Exodes il sillonne une Terre devenue quasiment invivable en raison du réchauffement climatique. Pour en explorer les principales conséquences, il propose de suivre les tribulations de six terriens dans l'enfer qu'est devenue la planète. Il place son histoire en 2100 et ouvre son roman sur Pradeesh Gorayan. Celui-ci vit, avec son épouse et sa fille, dans une enclave de nantis, une bulle étanche construite au bord du lac Léman. Il est généticien et doit trouver le secret pour allonger la vie humaine de ceux qui sont protégés. Après un périlleux périple sur les routes d'Italie, Paula Rossi arrive en vue de Naples. Elle cherche le médecin qui, selon certains dires, sera capable de soigner son plus jeune fils. Mélanie Lemoine vit dans une ferme des Monts du Forez, à l'écart du bourg. Celui-ci est barricadé pour lutter contre les bandes de pillards qui veulent s'approprier le peu qui reste ou détruire. Elle recueille les derniers animaux, les soigne et les protège. Fernando, le jour de ses dix-huit ans, a quitté le domicile familial de Séville. Il rêve de faste et d'opulence et pense les trouver au nord, avec, en plus, les bras de belles Suédoises ou Norvégiennes. Mercèdes Sanchez, dont le mari est une épave alcoolique, s'est réfugiée dans la religion. Elle fréquente la congrégation Los Ninos del Paraiso, sous la houlette du padre Garcia. Elle est bien démoralisée par le départ de Fernando. Aussi, quand la padre lui propose de l'accompagner dans l'enclave du Vatican, où il doit se rendre... Olaf Ericksen est pêcheur dans les îles Lafoten, mais la mer est de plus en plus vide de poissons. Il est confronté aux Réco, les réfugiés climatiques, qui ont trouvé là le bout du chemin. Il pense que le salut est au sud. Tous s'engagent dans un exode personnel et leurs chemins vont se rejoindre pour... le pire. En choisissant avec soin ses personnages principaux, en les confrontant à de nombreuses éventualités de dérives, tant humaines, sociétales que physiques l'auteur met en scène tout un éventail de situations éloquentes et plausibles. À partir de ces diverses orientations, depuis celle des nantis, prisonniers volontaires (Mais, n'est-ce pas déjà le cas, confinés dans leur enclave ?) qui crèvent de peur et d'ennui, jusqu'aux plus déshérités pour qui, chaque instant est une lutte pour la vie, il dresse un état de l'Europe. Il décrit les différentes évolutions des hommes, leurs adaptations face aux mutations entrainées par les changements des conditions de vie. Il pose un regard lucide et perspicace sur les mutations de la société humaine quand la mince couche de vernis, ses règles, ses institutions qui tentent de les faire respecter, volent en éclats. Il montre la déchéance de l'humanité, entre ceux qui cherchent à détruire et ceux qui cherchent à survivre à n'importe quel prix. Jean-Marc Ligny retrace, avec justesse, l'escalade des violences, le rejet de l'autre, les représailles, le repliement sur soi-même, les façons de protéger les maigres ressources qui subsistent. Il raconte la déliquescence des communautés, l'émergence des petits caïds, des roitelets ivres de pouvoir, qui réinstallent par la terreur, la force, des régimes dictatoriaux pires que les plus célèbres. L'auteur, dans son livre donne une image éloquente de la situation qu'il imagine quand il compare l'humanité à des fourmis sur un bâton en feu. Il n'y a nulle part où aller lorsque l'ensemble de la planète brûle. Avec Exodes, l'auteur prouve le côté vain de ces parcours, la fuite dérisoire vers d'autres lieux tout aussi ravagés. Mais, il ne tire pas de leçons, ne donne pas de morale, il explicite, avec crédibilité, des possibilités. La solution se déduit d'elle-même : éviter de mettre la planète, et donc l'humanité, dans cette position cataclysmique. Mais, n'est-ce pas utopique de penser à un salut raisonné de l'Homme quand le seul credo des véritables dirigeants est le profit à court terme, le gain immédiat sans soucis des conséquences, sans compassion pour le reste de l'humanité ? Si l'auteur développe un volet humain important, il ne néglige pas le côté économique des situations qu'il crée, montrant comment les survivants adaptent des schémas pour gérer la pénurie. Cependant, l'auteur n'exclut pas l'espoir, ce sentiment profondément enraciné chez l'humain. Il montre sa capacité à s'adapter aux pires conditions pour : « ...survivre encore un jour, une heure, éperdument. » Si l'auteur sème allègrement la mort tout au long de son récit, il ne met pas en scène de suicide. Exodes est un livre « coup de poing », noir, désespérant. C'est un roman magnifique par ces personnages crédibles dans leur quête absurde, touchants, éminemment humains auxquels on s'attache naturellement.   Serge PERRAUD nooSFere

Ligny - Exodes - noosfere.com
 Jean-Marc Ligny, après son formidable AquaTM, où il raconte, la lutte d'un peuple pour conserver l'usage de son eau, contre des rapaces financiers, continue d'explorer notre probable futur. Avec Exodes il sillonne une Terre devenue quasiment invivable en raison du réchauffement climatique. Pour en explorer les principales conséquences, il propose de suivre les tribulations de six terriens dans l'enfer qu'est devenue la planète.
Il place son histoire en 2100 et ouvre son roman sur Pradeesh Gorayan. Celui-ci vit, avec son épouse et sa fille, dans une enclave de nantis, une bulle étanche construite au bord du lac Léman. Il est généticien et doit trouver le secret pour allonger la vie humaine de ceux qui sont protégés.
Après un périlleux périple sur les routes d'Italie, Paula Rossi arrive en vue de Naples. Elle cherche le médecin qui, selon certains dires, sera capable de soigner son plus jeune fils.
Mélanie Lemoine vit dans une ferme des Monts du Forez, à l'écart du bourg. Celui-ci est barricadé pour lutter contre les bandes de pillards qui veulent s'approprier le peu qui reste ou détruire. Elle recueille les derniers animaux, les soigne et les protège.
Fernando, le jour de ses dix-huit ans, a quitté le domicile familial de Séville. Il rêve de faste et d'opulence et pense les trouver au nord, avec, en plus, les bras de belles Suédoises ou Norvégiennes.
Mercèdes Sanchez, dont le mari est une épave alcoolique, s'est réfugiée dans la religion. Elle fréquente la congrégation Los Ninos del Paraiso, sous la houlette du padre Garcia. Elle est bien démoralisée par le départ de Fernando. Aussi, quand la padre lui propose de l'accompagner dans l'enclave du Vatican, où il doit se rendre...
Olaf Ericksen est pêcheur dans les îles Lafoten, mais la mer est de plus en plus vide de poissons. Il est confronté aux Réco, les réfugiés climatiques, qui ont trouvé là le bout du chemin. Il pense que le salut est au sud.
Tous s'engagent dans un exode personnel et leurs chemins vont se rejoindre pour... le pire.

En choisissant avec soin ses personnages principaux, en les confrontant à de nombreuses éventualités de dérives, tant humaines, sociétales que physiques l'auteur met en scène tout un éventail de situations éloquentes et plausibles. À partir de ces diverses orientations, depuis celle des nantis, prisonniers volontaires (Mais, n'est-ce pas déjà le cas, confinés dans leur enclave ?) qui crèvent de peur et d'ennui, jusqu'aux plus déshérités pour qui, chaque instant est une lutte pour la vie, il dresse un état de l'Europe. Il décrit les différentes évolutions des hommes, leurs adaptations face aux mutations entrainées par les changements des conditions de vie. Il pose un regard lucide et perspicace sur les mutations de la société humaine quand la mince couche de vernis, ses règles, ses institutions qui tentent de les faire respecter, volent en éclats. Il montre la déchéance de l'humanité, entre ceux qui cherchent à détruire et ceux qui cherchent à survivre à n'importe quel prix.
Jean-Marc Ligny retrace, avec justesse, l'escalade des violences, le rejet de l'autre, les représailles, le repliement sur soi-même, les façons de protéger les maigres ressources qui subsistent. Il raconte la déliquescence des communautés, l'émergence des petits caïds, des roitelets ivres de pouvoir, qui réinstallent par la terreur, la force, des régimes dictatoriaux pires que les plus célèbres.

L'auteur, dans son livre donne une image éloquente de la situation qu'il imagine quand il compare l'humanité à des fourmis sur un bâton en feu. Il n'y a nulle part où aller lorsque l'ensemble de la planète brûle. Avec Exodes, l'auteur prouve le côté vain de ces parcours, la fuite dérisoire vers d'autres lieux tout aussi ravagés. Mais, il ne tire pas de leçons, ne donne pas de morale, il explicite, avec crédibilité, des possibilités. La solution se déduit d'elle-même : éviter de mettre la planète, et donc l'humanité, dans cette position cataclysmique. Mais, n'est-ce pas utopique de penser à un salut raisonné de l'Homme quand le seul credo des véritables dirigeants est le profit à court terme, le gain immédiat sans soucis des conséquences, sans compassion pour le reste de l'humanité ?

Si l'auteur développe un volet humain important, il ne néglige pas le côté économique des situations qu'il crée, montrant comment les survivants adaptent des schémas pour gérer la pénurie.

Cependant, l'auteur n'exclut pas l'espoir, ce sentiment profondément enraciné chez l'humain. Il montre sa capacité à s'adapter aux pires conditions pour : « ...survivre encore un jour, une heure, éperdument. » Si l'auteur sème allègrement la mort tout au long de son récit, il ne met pas en scène de suicide.

Exodes est un livre « coup de poing », noir, désespérant. C'est un roman magnifique par ces personnages crédibles dans leur quête absurde, touchants, éminemment humains auxquels on s'attache naturellement.
 
Serge PERRAUD
nooSFere

Publié le 5 novembre 2012

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