Attention, il s'agit ici de Littérature (remarquez la majuscule). Ursula Le Guin nous offre un magnifique roman, réécrivant et complétant le poème inachevé du Poète. Pour ce faire, elle donne voix à Lavinia, fille du roi Latinus dont le destin est à peine évoqué dans l'Eneide. Et ce cri d'Enée aux enfers que j'ai mis en exergue pourrait résumer la vision de Lavinia : fille de roi dans un pays en paix, sa vie et celle de son peuple sont bouleversées par l'arrivée des troyens. La guerre est rendue inévitable par la personnalité des chefs de la région qui ne voient en Laviana qu'un trophée à conquérir et dans les combats que l'occasion d'obtenir la gloire.
Lavinia n'est pas une princesse de conte de fées. C'est une jeune femme au fait de ses devoirs et obligations et avant le débarquement des troyens, elle a déjà été confrontée aux difficultés : ses frères sont morts en bas âge et sa mère a sombré dans la folie, folie qui attisera les braises du conflit et lui vaudra l'inimitié d'une partie des femmes de son peuple. C'est aussi une femme religieuse, responsable des pénates de sa maisonnée et à l'écoute des oracles. Elle rencontrera le Poète en songe sur un des sites sacrés où sa famille vient depuis des générations consulter les dieux et celui-ci lui révèlera une partie de sa destinée, celle liée à Enée.
Dans sa postface, l'auteur explique que la quasi disparition de l'enseignement du latin est en train de nous priver de ce chef d'oeuvre de Virgile et que ce livre est destiné à proroger son souvenir, c'est une réussite ! Ursula Le guin complète l'Eneide avec maestria, y apportant sa sensibilité humaniste et transformant cette épopée tragique en un superbe roman.