Une novella percutante donc, originale et rythmée à la saveur douce amère du Sud où se mélange brillamment magie, histoire, fantastique et horreur.

Ring Shout - fourbistetologie
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J’ai découvert P. Djèli Clark en fin d’année dernière avec ses nouvelles sur son Caire Merveilleux/Steampunk ( A dead djinn in Cairo et The haunting of tram car 015). Depuis il a fait un sans fautes avec The Black God’s Drums et maintenant Ring Shout. Toutes ces nouvelles et novellas ont été traduites cette année chez L’Atalante et je les félicite pour ce flaire .

On est en 1922, à Macon. Le Ku Klux Klan est au plus haut de sa forme et compte parmi ses rangs des êtres se nourrissant de la haine et venant… d’un autre monde. Face à eux se dresse la résistance, constituée dans ce coin des états-Unis d’un petit groupe disparate et plein de ressources mené par Nana Jean, une vieille Gullah (les Gullah sont un peuple Afro-Américain absolument fascinant à découvrir). La force de frappe, elle, se résume à trois super nénettes hyper attachantes et décomplexées : Chef qui a fait la guerre en Europe et la pro des explosifs, Sadie la plus jeune et la plus barrée du lot ne sort jamais sans Winnie (sa Winchester) et, enfin, notre narratrice, Maryse, portée par une colère aussi froide et tranchante que son épée.

Les monstres, je les chasse

L’esclavage et ses répercutions ainsi que l’importance dédiée à la mémoire et aux ancêtres sont des thèmes qui me sont chers. Cela explique en grande partie la palette d’émotions que cette novella a déclenché. Tout ça pour dire que mon enthousiasme pour ce texte est encore moins objectif que d’habitude.

L’auteur a réussi avec brio (comme il le fait à chaque fois, mais là, ça m’a particulièrement touché) à puiser dans les mythes, la culture, les contes et les chants afro-américains du Sud des états-Unis pour nourrir son histoire et ses personnages. On retrouve une magie ancestrale liée au Shout (une sorte de chant de pouvoir) et au hoodoo. Une magie maîtrisée par Nana Jean et son cercle (qui donne son nom au livre), mais aussi liée à Maryse et son épée. Ajouté à ça quelques passages des contes de Compair Lapin (ou Br’er Rabbit) que certains ont pu découvrir via La mélodie du Sud de Disney (c’est mon cas) et qui proviennent des traditions orales des esclaves (des contes qui ont été récupérés et édités par des blancs, j’en ai trouvé quelques recueils que je compte lire). Ainsi que d’autres mythes beaucoup plus sombres que je vous laisse découvrir. Enfin, le fait que ses héroïnes affrontent des monstres clairement lovecraftiens ajoute une dose d’ironie bienvenue (aussi utilisé dans La ballade de Black Tom ou Lovecraft Country et je ne m’en lasse pas).
Comme il l’avait fait avec Les tambours du Dieu Noir, Clark nous plonge avec succès dans un Sud des états-Unis étouffant, gangréné par la haine de l’autre.

Mais tout ça, c’est « juste » le terreau de cette histoire sur-vitaminée et horrifique. C’est ce qui en fait toute sa saveur pour moi, mais ça ne se limite pas à ça. Ce que j’aime beaucoup chez cet auteur (en plus du reste), c’est son féminisme, garanti zéro male gaze. Ses héroïnes ont des blessures profondes mais elles sont fortes, pleine d’humour, de gouaille et leur alchimie fonctionne tellement bien. Niveau rythme, ça n’arrête pas. Clark maîtrise vraiment le format court. ça se bastonne dans tous les sens, jusqu’au grand final et c’est génial. J’adore ces nanas, j’adore le message que P. Djèli Clark envoie. Je suis surtout très reconnaissante qu’il fasse chanter toutes ces Voix avec autant de justesse.

Une novella percutante donc, originale et rythmée à la saveur douce amère du Sud où se mélange brillamment magie, histoire, fantastique et horreur. Il est évident que je vous la recommande chaudement comme tous les textes de cet auteur.

fourbistetologie

Publié le 16 décembre 2021

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