Rage, douleur et terreur ponctuent ces pages, proposant un plaidoyer contre la haine, mais ne cherchant nullement à étouffer la colère. Phenderson Djèli Clark souhaitait nous proposer avec son texte un monde "nouveau, excitant, terrible et merveilleux". La mission est accomplie, avec brio.

Ring Shout - Aderu Babelio
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Nouveau, excitant, terrible et merveilleux. Un coup de maître.

J'adore les histoires égyptiennes de Phenderson Djèli Clark. Mais quand il s'attaque à l'histoire des USA, ça devient carrément grandiose.

Après la nouvelle Les Tambours du dieu noir, qui se situait à la Nouvelle-Orléans, voici donc Ring Shout, en direct de Macon, Géorgie, en 1922.

L'auteur prend au mot les titres des fondateurs réels du Klan : sorcier, cyclope, etc. Et en tire le point de départ de son histoire. Il ajoute comme point fondateur, la diffusion de film Naissance d'une nation, présenté comme un catalyseur à haine cosmique. Un vaisseau pour des entités se nourrissant de haine.

Face à ce Ku Klux Klan, stricto sensu monstrueux, nous suivons les aventures d'une équipée de femmes, au premier rang desquelles Maryse, armée d'une épée magique, pleine, en quelque sorte, des "âmes des peuples noirs".
S'amusant des codes de la fantasy, l'auteur signe un texte protéiforme : réécriture d'une heroïc fantasy canonique, transposée dans le Deep South ; lovecrafterie tendance horreur cosmique mais cuisinée à la sauce gullah ; mordante analyse de l'histoire africaine-américaine.
C'est magistral. Tout simplement.

Gavé de références, incarnant avec finesse et intelligence des questionnements toujours actuels, P. Djèli Clark impressionne.

S'appuyant sur les travaux des Lomax ou de Zora Neale Hurston, il dresse un vibrant hommage aux cultures africaines-américaines sudistes, gullah en premier lieu.
La musique, le rythme, le chant sont omniprésents. Au coeur même de la narration et de l'histoire elle-même.

Saluons le superbe travail de la traductrice Mathilde Montier pour rendre le travail de l'auteur sur les différentes langues utilisées - comme précédemment dans Les Tambours du dieu noir.
À ce titre, l'avant-propos de Djèli Clark, spécialement rédigé pour le lectorat francophone, apporte un vrai plus à son histoire.
Seul bémol concernant la traduction : dans l'avant-propos, l'utilisation de l'expression "afro-américain" plutôt que "africain-américain" - sauf si en VO l'auteur fait de même, mais j'en doute.

Merci aux éditions de l'Atalante de permettre au lectorat francophone d'avoir accès à un tel auteur. le travail éditorial est remarquable et, à ce que j'ai compris, pas terminé !
La couverture originale est superbe, mais celle choisie pour la version française est incroyable. Parfaitement à la hauteur du texte.

Rage, douleur et terreur ponctuent ces pages, proposant un plaidoyer contre la haine, mais ne cherchant nullement à étouffer la colère. Phenderson Djèli Clark souhaitait nous proposer avec son texte un monde "nouveau, excitant, terrible et merveilleux". La mission est accomplie, avec brio.

Aderu

Publié le 12 novembre 2021

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