Dans l'intimité d'un robot tueur
Le roman dont je vais vous parler ce lundi a un format assez court (122 pages), on le dévore comme un épisode de série TV dont on attend la suite une fois l’ouvrage refermé. Défaillances systèmes est le premier volume du Journal d’un AssaSynth de Martha Wells. Cette série littéraire a reçu, tenez-vous bien, les prix Hugo, Nebula, Alex et Locus. Rien que ça. Et c’est justifié non pas par l’intrigue somme toute assez simple et classique mais par la finesse et la sensibilité du texte qui évoque l’éveil à la conscience d’une unité synthétique de sécurité. Des questionnements actuels et tendances qui expliquent probablement l'avalanche de récompenses.
La narration est à la première personne, le lecteur est plongé dans le corps et l’esprit naissant d’un synthétique qui a piraté son module superviseur. Cela aurait pu causer un véritable carnage au vu des capacités de combat d’un synthétique mais ce dernier découvre lors de ce piratage le divertissement : l’accès à des films, des séries, des livres, des jeux et de la musique. 35 000 heures passées à découvrir l’imaginaire humain et voilà notre machine à tuer changée, même si elle ne le comprend pas encore. C’est elle-même qui s’affuble de ce surnom d’AssaSynth.
Dans un univers futuriste sombre et brossé assez sommairement pour le moment (difficile de faire mieux dans un format court), une unité synthétique de sécurité est envoyée en mission pour exfiltrer des scientifiques. Une unité de quoi ? Une SecUnit, un androïde en partie biologique. Ces éléments issus du vivant viennent d’organes humains clonés. Ils sont conçus pour régénérer ce qui permet à l’unité de sécurité d’être un excellent garde du corps par exemple. Armés et dangereux, ces SecUnit sont équipés d’un module qui les contrôle, enfin toutes sauf notre protagoniste principale. Elle bosse pour la Compagnie, une mégacorpo à la Weyland qui fournit tous le matos pour les missions y compris les synthétiques.
Notre unité démarre donc une mission plutôt tranquille quand cela tourne mal. Endommagée, elle se retrouve sans armure et sans casque, à nue devant les humains de la mission. Son malaise est perceptible par le lecteur et dès lors, nous vivons les aventures de l’AssaSynth dans sa peau de synthèse.
Ce roman est au final une novella et c’est tant mieux : parfois il est inutile d’étirer une histoire et cela laisser présager d’autres épisodes pour un format bien pratique quand on a peu de temps pour lire. Cette novella se lit vite mais le ton froid du narrateur (en même temps c’est un cyborg) peut déranger. Son détachement à ce qui l’entoure est impressionnant mais totalement logique, comme son libre arbitre en devenir qu’elle doit cacher et sa relation progressive aux humains qui l’entourent. Si vous passez outre cette froideur, à l’inverse, vous serez immergé dans cette personnalité naissante. Le talent de Martha Wells est de manier l’ironie pour amener les lecteurs à réagir et réfléchir sur les questions de conscience des êtres synthétiques qui au final sont d’actualité avec les I.A, robots et autres machines qui pourraient un jour devenir pensantes. Côté intrigue, pas vraiment de surprise, c’est classique et simple mais bien mené, à bon rythme et sans temps mort.
Conclusion
Défaillances systèmes est le premier épisode au format novella du Journal d’un AssaSynth, publié chez L’Atalante dans la collection La dentelle du cygne. On y suit un androïde, une unité de sécurité synthétique capable de régénération grâce à des organes humains clonés. Mais la particularité de cette SecUnit est d’avoir piraté son module de supervision et de passer son temps à bingewatcher des séries TV. Commence alors une mission qui va tourner mal, évidemment. Avec une intrigue classique mais bien rythmée, ce roman présente la naissance d’une personnalité chez un synthétique froid et détaché des humains. Martha Wells manie avec finesse l’ironie et nous interroge ici sur l’éveil d’une conscience et d’un libre arbitre qui en découle.