L’essentiel est là : un groupe soudé, qui fait face à une situation pour laquelle il n’est pas préparé et à laquelle il doit faire face avec les moyens dont il dispose, avec en plus cet élément imprévisible qu’est l’AssaSynth.

Défaillances systèmes, Journal d’un AssaSynth tome 1, de Martha Wells

Cette novella n’est que la première d’une série de lectures « courtes », dues à une envie de me plonger a nouveau dans ce format qui a le vent en poupe depuis quelque temps (grâce incontestablement à l’impulsion du Bélial’ et sa collection « Une heure-lumière »), et qui fleurit donc chez différents éditeurs. Concernant Martha Wells et ce « défaillances systèmes » (auréolé de la « Sainte Trinité » des Prix de SF, à savoir le Hugo, le Nebula et le Locus), premier volume d’un cycle de quatre novellas en VO, c’est L’Atalante qui s’y colle.

L’émancipation d’un androïde

Oui, les trois plus fameux Prix de la SF (ainsi que le Prix Alex que je ne connaissais pas jusqu’ici et qui récompense chaque année dix roman adultes pouvant également plaire à des jeunes de douze à dix-huit ans, et qui a déjà récompensé les années précédents des auteurs comme Joe Abercrombie, Andy Weir, John Scalzi, N.K. Jemisin, Naomi Novik, Neil Gaiman et Patrick Rothfuss, entre autres) ont donc récompensé « Défaillances systèmes » de Martha Wells. Spoiler alert : c’est sans doute un peu exagéré. Mais la lecture s’est tout de même avérée plutôt fun. Pas si mal finalement. Le gros plus de cette novella (certaines mauvaises diraient même le seul…) est son personnage principal, un SecUnit, c’est à dire un androïde chargé d’assurer la sécurité des humains qui lui sont assignés par de grosses compagnies dont les intérêts sont en jeu, notamment durant des missions d’exploration planétaire comme c’est le cas dans ce récit. Point important, notre androïde a hacké son « module superviseur », celui qui l’empêche de quitter le droit chemin prôné par son employeur. Dès lors, il est libre de faire ce qui lui plaît. C’est évidemment une chose totalement interdite, il a donc fait ça à l’insu de tout le monde et continue d’assurer son job, de manière toutefois assez détachée, son seul intérêt étant de regarder de nombreuses séries télévisées qu’il télécharge régulièrement.

Dès lors, on suit la mission de cet androïde, une mission qui ne sera bien sûr pas de tout repos alors que les scientifiques qu’il est chargé de protéger sont attaqués par une bestiole souterraine sur une planète que tout les rapports indiquaient être sans danger particulier. Il s’avère rapidement que les rapports étaient tronqués, que des cartes géographiques étaient manquantes, et plus inquiétant encore, la deuxième équipe scientifique, de l’autre côté de cette planète en cours d’exploration avant une éventuelle exploitation commerciale, finit par ne plus communiquer…

S’en suit un récit où l’action prédomine, écrite efficacement ou disons plutôt « décrite » efficacement (comme le titre l’indique, il s’agit plus ou moins du journal de l’androïde) avec le ton très détaché et à la fois ironique de cet « AssaSynth » qui donne au texte une certaine saveur. Et heureusement car au fond, l’intrigue n’a rien de très originale, et on pourrait même dire qu’elle utilise un thème usé jusqu’à la moelle de la SF d’anticipation où l’ultra-capitalisme est roi. Pour autant, Martha Wells déroule son récit avec un savoir-faire certain, et le tout se lit avec plaisir. Novella oblige, le world-building reste assez limité (on espère le voir densifié au gré des novellas suivantes), mais l’autrice nous donne juste ce qu’il faut pour avoir un contexte suffisamment évocateur. Idem pour les personnages humains, tous plus ou moins interchangeables à l’exception de l’un d’entre eux, légèrement plus développé. Peu importe, l’essentiel est là : un groupe soudé, qui fait face à une situation pour laquelle il n’est pas préparé et à laquelle il doit faire face avec les moyens dont il dispose, avec en plus cet élément imprévisible qu’est l’AssaSynth.

Et en filigrane, Martha Wells pose la sempiternelle question de l’être humain et de comment le définir, l’acceptation de l’autre, le rapport à la différence, etc… Et même si c’est parfois décrit à gros trait, l’émancipation de l’androïde et l’évolution de son difficile rapport avec l’être humain (dû entre autres à une mission précédente au résultat… désastreux !) offrent un petit plus appréciable.

Le tout est donc très rythmé, sans temps mort, efficace, et même si le texte (traduit par Mathilde Montier, sous une belle couverture de Pierre Bourgerie que l’on croirait sortie des jeux vidéo « Halo » ou « Destiny ») ne peut pas prétendre entrer au panthéon de la SF, loin s’en faut, il permet de s’offrir une soirée d’évasion plutôt fun. Oui oui, ce n’est décidément pas si mal !

Par Lorhkan

 

Publié le 12 juin 2019

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