Une fable asiatique fantastique et politique, retorse et poétique. Un tour de force.

L'impératrice du Sel et de la Fortune - Charybde 27
Article Original

Pas de note de lecture proprement dite pour ce magnifique L’impératrice du Sel et de la Fortune de l’Américaine Nghi Vo, publié en 2020 et traduit en janvier 2023 chez L’Atalante par Mikael Cabon. Un petit article de ma main vous attend en effet dans Le Monde des Livres daté vendredi 20 janvier 2023, à lire ici.

En complément de l’article, simplement quelques remarques, comme des notes de bas de page :

La beauté fracassante et pourtant feutrée des premières pages, avec l’inquiétude fantomatique et la potentialité tragique convoquées d’emblée, et pourtant minutieusement désamorcées par deux des trois protagonistes principaux (le moine et la neixin), avant même que l’on entre dans le vif du sujet (mort). Cette scène introductive me rappelle, par sa puissance onirique, celle du beau Histoire de fantômes chinois (1987) de Ching Siu-tung, lorsque Ning Choi-san passe sa première nuit dans le temple abandonné, lui aussi.

La manière hautement impressionnante de ne voiler aucunement l’extrême cruauté de la politique et de la guerre dans cette époque troublée renvoyant nettement à celle des Trois Royaumes de la Chine ancienne, sans céder un instant à la tentation de la complaisance, du trop appuyé.

Le rôle subtil et insidieux des objets inventoriés dans l’enceinte du palais abandonné, étranges ritournelles presque poétiques sous leur faux air d’extraits de catalogue de vente aux enchères, supports matériels s’il en est des incursions dans le non-dit naissant du dialogue conduit comme mine de rien par Chih et par Lapin. Je ne vois guère, dans un tout autre registre, que la prouesse réalisée par le Anatomie d’un soldat de Harry Parker pour donner un tel rôle heuristique à des objets, qu’ils soient potentiellement terribles ou totalement anodins – mais toujours curieusement évocateurs.

???? La force de la réflexion, toujours implicite, conduite à la fois sur la mémoire et l’Histoire (avec d’étonnantes passerelles souterraines en direction du L’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu), et sur le tissu social complexe qui habille le pouvoir (fût-il absolu, divin ou dictatorial).

Publié le 20 janvier 2023

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