Quatre personnages. Qui n’ont rien en commun. Adrien, trader formidablement doué, réussit là où les autres échouent, mais ne semble pas motivé par l’argent et l’ambition. Aurore, chanteuse pop adulée par ses fans, multiplie les rencontres sordides avec des inconnus. Kader, ex-sniper, se débat entre un grand-père mourant, un frère radicalisé et les souvenirs qui le hantent. Lou préfère vivre sa vie en ligne, dans le jeu Runecraft, où elle est une véritable héroïne.
Olivier Paquet prend le temps de poser chacun de ses personnages dans leur quotidien, brosse leur passé, raconte leur présent. Jusqu’au moment où chacun d’entre eux croise la route de Hans/Joaquim. L’homme endosse chaque fois un rôle différent, trader, psychologue, joueur… et bouleverse leurs vies en se servant d’eux pour atteindre son but.
L’intrigue se met en place lentement, comme un puzzle plus large et plus complexe qu’il n’y paraît au départ. Les premiers chapitres sont quasi indépendants les uns des autres, avant de s’imbriquer peu à peu entre eux. Le côté SF est très discret, tant ce monde ressemble au nôtre, poussant juste légèrement les technologies actuelles. Le roman s’apparente plutôt au genre techno thriller, saupoudré d’espionnage. Dans ce récit choral aux multiples rebondissements, le lecteur s’interroge, comme les personnages : que veut vraiment Hans/Joachim ? Que veulent les IA ? Qui manipule qui ?
Olivier Paquet parvient à imaginer et rendre sensible une forme de conscience et de pensée non-humaine. Il met en scène ce qui pourrait être l’éclosion d’une vie intelligente, et pose la question des conséquences de cette naissance. Il aborde également avec subtilité des thèmes très forts : l’identité de genre, les abus parentaux, la violence du système capitaliste, la vacuité du star-system. Il dépeint une société malade et brutale, dans laquelle les machines occupent déjà un espace considérable.
Les personnages sont complexes, approfondis, leur regard évolue au fil de leurs aventures, leurs interrogations sont nombreuses quant à la place des IA, leur rôle, celui du libre arbitre, sur les humains et leur rapport à la technologie.
Le roman est parfois ardu, et une attention quelque peu soutenue nécessaire à sa lecture, parce qu’Olivier Paquet balade son lecteur entre réalité et simulations, trahisons et mensonges, manipulation et libre arbitre… Dans le même temps, il interroge intelligemment notre propre lien aux machines, et les dérives d’une société qui n’a plus guère d’humaine que le nom !