Sous couvert d’un roman policier, John Scalzi écrit un roman sur les libertés, qu’elles soient physiques, morales ou sociales. On suit avec plaisir ce héros/héroïne, qui victime de sa condition, doit aller au-delà des perceptions pour arriver à ses fins.

Scalzi - Les enfermés - Temps de Livres

Il y a vingt-cinq ans, un virus extrèmement complexe et contagieux est apparu. S’il plonge la plupart des malades dans un état grippal, un nombre infimes de victimes devient prisonnier de son corps, incapable de le contrôler et de communiquer. Aujourd’hui, ces « enfermés » disposent d’androÏdes, entres autres, pour évoluer comme un être normal, via une interface neuronale. Chris Shane en fait partie. Agent du FBI depuis peu, sa première enquête ne sera pas des plus simples. C’est un « enfermé » qui a commis le meurtre.

Avec Les Enfermés, John Scalzi change de registre. On lui connaissait sa série sur Le Vieil Homme et La Guerre, Redshirts, Impresario du Troisième Type ou Deus In Machina. A chaque fois, l’humour, voire la parodie étaient présents. Ici, c’est rarement le cas. A priori, on se trouve devant une enquête policière banale. Un duo d’agents du FBI, le vétéran ayant mauvais caractère, tandis que le nouveau découvre le métier. Des poursuites, une investigation… Un roman très commun et John Scalzi s’en amuse, car tout le sel de ce roman se trouve ailleurs.
On pourrait penser au film Clones, avec Bruce Willis, mais John Scalzi pousse la réflexion beaucoup plus loin.

Les Enfermés parlent d’handicap et de liberté. Les victimes du syndrome d’Haden (du nom d’une des victimes) sont privés de leurs corps. Ils ont alors plusieurs choix. Soit rester sur un lit et communiquer via une interface. Emprunter un corps d’androïde pour évoluer librement ou évoluer dans le corps d’un être humain (qu’on appelle alors un intégrateur). L’auteur explique de façon simple et détaillée les possibilités et les limites de ces choix, mais il pousse la logique de la maladie et des solutions jusqu’au bout. Comment gérer, ressentir son corps quand on ne le contrôle plus ? Comment choisir un corps ou un humain d’emprunt ? Peut-on dépasser les limites ? A l’opposé du robot, le cispé (la dénomination de l’androïde) n’a pas de capacité extraordinaire, il se rapproche d’un humain. D’où la dénomination Cispé (C6-PO : Starwars).  Quant à l’intégrateur, on peut choisir celui du sexe de son choix. Voilà un autre point intéressant. Chris Shane est le personnage principal mais jamais, on ne saura véritablement son sexe, ni se préférences. Si j’ai mon idée, elle se base sur un mince indice. Saurez-vous trouver de quel sexe est Chris Shane ?
L’auteur n’arrête pas sa réflexion sur ces points. Il montre aussi que ces handicapés peuvent être le jouet du milieu financier. Il fait d’ailleurs un parallèle avec la nation indienne.
L’autre surprise de ce roman, c’est la deuxième partie. Intitulée Libération : Une Histoire Orale du Syndrome d’Haden, le lecteur ne doit pas passer à côté. Il raconte, sous forme de dialogues, toute l’évolution de la maladie. Ca pourrait être pompeux, verbeux… Scientifique et médical, mais c’est simplement expliqué et logiquement démontré. A ne pas manquer !

Sous couvert d’un roman policier, John Scalzi écrit un roman sur les libertés, qu’elles soient physiques, morales ou sociales. On suit avec plaisir ce héros/héroïne, qui victime de sa condition, doit aller au-delà des perceptions pour arriver à ses fins.

Temps de livre - Hervé Beivaire

Publié le 3 mars 2016

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