Construit comme un polar situé dans un avenir dystopique, ce passionnant roman porte aussi, mine de rien, un regard critique sur la société américaine contemporaine.

Scalzi - Les Enfermés - Gandahar n°133
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Qu’un “cispé” soit décapité au cours d’un match d’hilteka n’a rien de surprenantou d’horrifiant en soi puisque telle est larègle de ce jeu de massacre, façon gladiateurs d’antan, et qu’il n’est, en fait, qu’un véhicule aux allures d’androïde. Enrevanche, ce qui l’est beaucoup moins, c’est que la perte de sa tête ait provoqué la mort du “haden” qui le pilotait. C’est pourtant ce qui s’est produit au cours d’une rencontre amicale organisée par la Ligue nord-américaine afin de séduire de nouveaux investisseurs. Chris Shane du FBI, un “enfermé” dont le cispé est présent sur les lieux, ne manque pas d’être très vite intrigué : le flux intégral de données du joueur, censé demeurer toujours accessible aux spectateurs, a été effacé en même temps qu’il est mort. La mort était-elle accidentelle ou s’agirait-il plutôt d’un meurtre ? Accompagné de sa coéquipière Leslie Vann – une non-haden –, il se rend au domicile du cadre de la Ligue qui aurait retiré les informations statistiques et vitales afin de le questionner sur les raisons de cette décision. Mais l’homme s’est pendu dans sa salle de bains. Cette fois, il ne subsiste plus guère de doutes. Mais l’enquête se révèle très vite compliquée par la fuite d’un témoin et l’incendie de la garçonnière du défunt. Et si son chat est sauvé in extremis, les informations soigneusement cryptées qui se cachent dans le collier du petit animal pourraient bien coûter la vie de nos deux enquêteurs comme de ceux qui leur viennent en aide.

Construit comme un polar, situé dans un avenir dystopique où la survie des “hadens” – ces victimes du syndrome qui les a enfermés dans un corps totalement inerte – est menacée, ce passionnant roman porte aussi, mine de rien, un regard critique sur la société américaine contemporaine. Reprenant avec bonheur les deux fédéraux des Enfermés (même éditeur), l’auteur nous entraine dans une passionnante exploration des couches sociales les plus diverses d’un futur parfaitement construit ainsi que dans le monde virtuel de l’Agora où peuvent communiquer entre eux les “enfermés” grâce à leur implant neuronal. Les multiples personnages qui défilent tout au long de l’enquête confèrent, par leur personnalité complexe et fouillée, une grande crédibilité à un récit qui ne manque, ni de piquants, ni de purs moments d’émotions. On ne saura pourtant rien de la véritable identité de Chris Shane, le narrateur-enquêteur. Sans doute que l’auteur nous la réserve pour un roman ultérieur : un auteur que le prestigieux prix Hugo a couronné en 2013 avec Redshirts.

- Jean-Pierre Fontana

Publié le 23 janvier 2019

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