The Magicians, qui oscille entre Harry Potter et Gossip Girl dans un premier temps, est pleine de bonnes idées scénaristiques et esthétiques. Nous avons pu en discuter avec les interprètes de Quentin et Julia, Jason Ralph et Stella Maeve, invités du dernier Festival de Télévision de Monte Carlo.

Les Magiciens - Telerama
Article Original
Adaptée d'une suite de romans à succès, la nouvelle série de SyFy imagine des personnages mal dans leur peau et accros aux sortilèges. Rencontre avec deux de leurs interprètes.

Dans la bataille que se livrent les fictions fantastiques, la magie n'a pas dit son dernier mot. Alors que l'univers de Harry Potter s'apprête à faire son retour au cinéma, SyFy lance ce mardi 4 octobre 2016 une série qui a rapidement été comparée à une version adulte des aventures du prodige de Poudlard.

The Magicians, adaptée des romans de Lev Grossman (Les Magiciens, aux éditions de L'Atalante), suit l'apprentissage mouvementé de Quentin Coldwater, un jeune homme hanté par un livre de son enfance, qui intègre une fac surnaturelle, le Brakebills College. L'établissement prestigieux va en revanche refuser la candidature de sa meilleure amie, Julia Wicker, aussitôt recrutée par une obscure confrérie de magiciens.

The Magicians, qui oscille entre Harry Potter et Gossip Girl dans un premier temps, est pleine de bonnes idées scénaristiques et esthétiques. Nous avons pu en discuter avec les interprètes de Quentin et Julia, Jason Ralph et Stella Maeve, invités du dernier Festival de Télévision de Monte Carlo.

The Magicians a été comparée à un « Harry Potter adulte ». Vous en pensez quoi ?

Jason Ralph : C'est un parallèle judicieux quand on sait que Lev Grossman a été, entre autres, influencé par le travail de J.K. Rowling, et que nous racontons la formation de jeunes gens dans une école de magie. Mais la comparaison s'arrête là, car nos héros ont quelques années de plus, ils sont à la fac. Et puis The Magicians se concentre davantage sur les conséquences de la magie sur le monde réel…

Stella Maeve : Harry Potter est bien plus ancré dans la fantaisie, et vaut avant tout pour l'apprentissage de ses héros et leur combat contre Voldemort. Nous sommes aussi plus « adulte » dans le sens où il y a plus de sexe et un vocabulaire plus relâché dans The Magicians.

“'The Magicians' est une série plus crue que 'Gossip Girl'” 

On a aussi parlé de Gossip Girl, car il est question de rivalités et de romances…

J.R. : Je dirais plus Girls que Gossip Girl. The Magicians est une série plus crue que Gossip Girl, dans son récit comme dans sa mise en scène. Ceci étant dit, elle est parfois aussi légère…

S.M. : Il y a des scènes assez théâtrales, mais aussi beaucoup d'instants sincères, bruts, volontiers embarrassants, de la même façon que dans la série de Lena Dunham.

Comment rendre la magie plus « réaliste » et terre à terre ? C'est a priori paradoxal…

J.R. : Dans The Magicians, la magie est plus proche de la chimie organique. C'est une science complexe, dangereuse, en évolution permanente. Pour y être un bon magicien, il faut aussi réfléchir à la nature humaine, à sa propre identité et au monde qui nous entoure…

S.M. : Il y a un vrai travail psychologique à effectuer, car ne pas maîtriser ses émotions, c'est risquer de ne pas contrôler ses pouvoirs et de blesser quelqu'un involontairement. La formation des magiciens sous-entend une véritable réflexion intellectuelle complète, pas juste un pur savoir technique.

Un des personnages explique que « la magie vient d'une douleur ». C'est-à-dire ?

S.M. : Si la magie a choisi Quentin et Julia, c'est parce qu'ils n'étaient pas heureux. Tous les personnages de The Magicians souffrent d'une insatisfaction, d'un vide dans leur vie. Je ne sais pas si c'est une « douleur » qui fait naître leurs dons, mais assurément un besoin de complétude.

J.R. : Les émotions fortes, comme la douleur, peuvent déclencher la magie, mais il faut les contrôler pour devenir un magicien.

Quentin est dépressif. Ses aptitudes ne viennent-elles pas aussi de son mal-être ?

J.R. : C'est une théorie intéressante. (Il hésite). Je ne sais pas…

S.M. : Ce qui est certain, c'est que la magie n'est pas un traitement, contrairement à beaucoup de fictions où elle symbolise un changement intime. Dans cette série, c'est un moyen de s'écarter temporairement d'une peine ou d'une angoisse, mais cela ne règle rien.

J.R : La magie n'y fait pas de miracles. Si vous êtes mal dans votre peau, vous avez beau développer un pouvoir surnaturel, vous resterez un gosse névrosé et associal. Il va vous falloir faire un vrai travail sur vous-même, pour ensuite éventuellement que celui-ci impacte votre savoir magique. Pas l'inverse.

D'où vient la magie dans The Magicians ?

J.R. : On ne sait pas d'où elle vient, et les personnages étudient aussi cela, ce mystère, l'origine de ces manifestations surnaturelles. Plus ils en apprennent sur ce monde, plus il grandit, et plus il devient complexe à saisir. Certains professeurs de Brakebills en ont fait leur spécialité… et ils sont devenus fous. Certains ont donc décidé de ne plus chercher à savoir, mais seulement à la maîtriser. Pour Julia, c'est quelque chose qui circule dans son sang…

Elle devient d'ailleurs une sorte de toxicomane de la magie !

S.M. : Elle a toujours tout réussi dans sa vie, et voilà que ce qui portait son enfance, la chose en laquelle elle croyait le plus, mais que l'âge adulte a éloigné d'elle, se révèle être une réalité. Quentin, qui n'a jamais cessé d'y croire, accède à Brakebills, mais elle est recalée. C'est un choc, et elle va devenir addict à la magie, mais aussi au pouvoir qu'elle ressent quand elle la pratique.

Que reste-t-il du côté merveilleux de la magie qu'ils ont rêvé dans leur enfance ?

J.R. : On dit qu'il n'est jamais bon de rencontrer ses héros. Qu'on est toujours déçu…

S.M. : Quand Quentin et Julia réalisent que le livre de leur jeunesse se déroulait dans un monde parallèle bien réel, ils veulent à tout prix s'y rendre, quand bien même cela représenterait un danger pour l'humanité.

J.R. : C'est un crève-cœur pour Quentin de réaliser que l'univers qui a bercé son enfance est une menace pour notre monde. Il va aussi apprendre que si vous y entrez et que vous refusez d'en sortir, vous pouvez devenir un monstre…

Ils ont beau avoir 23 ans, ils sont assez immatures !

J.R. : The Magicians raconte comment ils vont grandir et devenir adulte, en suivant deux chemins différents. Quentin, enfermé dans ses pensés et son ego, n'a jamais su voir ses proches au-delà des apparences. Brakebills va lui permettre de s'intéresser aux autres, de sortir de sa bulle.

S.M. : Julia fait le chemin inverse. Elle avait une vie sociale, un petit copain, et quand la magie entre dans son quotidien, elle s'isole. Elle devient solitaire en passant du côté obscur.

 Telerama

Publié le 6 octobre 2016

à propos de la même œuvre