C’est donc un livre intelligent ; très intelligent ; parfois trop intelligent pour son propre bien ; où les thèmes et réflexions priment sur l’aventure mais qui ravira les amateurs de littérature pour le regard différent qu’il porte sur leurs univers favoris.

Les Magiciens - La Gazette du Sorcier
Article Original
Les Magiciens a été décrit comme “le Harry Potter pour adultes”. Au-delà de l’absurdité d’une telle affirmation, puisqu’on sait qu’Harry Potter plaît à tout âge, il y a du vrai dans cette description : Quentin, le héros du livre, est un jeune de 17 ans amateur de prestidigitation qui, un jour, se découvre des pouvoirs magiques et part étudier cet art dans une université cachée aux yeux de ceux que nous appellerions les moldus. Ce n’est pas sans nous rappeler quelque chose.

Cependant, il n’y a pas que du Harry Potter dans le livre de Lev Grossman. On ne pourrait pas ignorer les allusions à Narnia et certaines descriptions m’ont parfois évoqué Alice au Pays des Merveilles, À la croisée des mondes ou Everworld tandis que le thème récurrent de la maturité fait inévitablement écho à Peter Pan. L’auteur est d’ailleurs bien conscient de certains de ces antécédents avec lesquels il joue en permanence et qu’il mentionne parfois au détour d’une phrase, ce qui devrait plaire aux fans de fantasy.

L’aspect “adulte” du livre, on le retrouve dans le traitement de la magie : ici, il ne suffit pas de prononcer une formule magique en pseudo-latin en agitant une baguette ; les sorts requièrent la maîtrise de l’hébreu, de l’arabe, du vieux Néerlandais,... et des centaines de milliers de variations liés aux circonstances de l’enchantement. La magie est difficile, laborieuse... Mais il y a aussi les thèmes : sexe, relations amoureuses difficiles, alcoolisme, emploi, religion.

Par exemple, là où J.K. Rowling nous laisse nous demander ce que les étudiants font à la sortie de Poudlard, Lev Grossman révèle ce que ses magiciens font à la sortie de Brakebills (son Poudlard à lui) : ils errent, ils sombrent, ils font face à un monde où tout leur vient sans effort ce qui les mène droit à l’ennui, voire à la folie. On est loin d’un rêve enfantin, d’un idéal merveilleux, après lequel Quentin, grand amateur de littérature fantastique, court pourtant en permanence.

[…]

A l’image de la narration, le héros est parfois difficile à cerner, avec son caractère maniaco-dépressif. Il est cependant entouré d’une large galerie de personnages qui compensent souvent ce manque de stabilité... et parfois lui font écho.

C’est donc un livre intelligent ; très intelligent ; parfois trop intelligent pour son propre bien (?) ; où les thèmes et réflexions priment sur l’aventure mais qui ravira les amateurs de littérature pour le regard différent qu’il porte sur leurs univers favoris. […]
 
La Gazette du Sorcier
Publié le 6 octobre 2015

à propos de la même œuvre