c’est flamboyant du début à la fin. On a qu’une hâte : y retourner.

Les Tambours du Dieu noir - Yozone
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Chaque étoile de la Dentelle du cygne, à l’Atalante, est un joyau brillant de mille feux, et ces deux novellas, du Trinidadien Phenderson Djeli Clark, viennent s’ajouter à cette éblouissante galaxie.

On saluera d’ores et déjà l’excellente traduction de Mathilde Montier, qui nous rend toute la magie linguistique déployée par l’auteur pour nous dépeindre ces deux mondes fantastiques. Le vocabulaire est riche, coloré, on est immédiatement plongé dans un déluge visuel, qui contamine rapidement l’ouïe et presque l’odorat.
Tandis qu’on prend peu à peu ses marques dans ces deux uchronies, on devine l’énorme travail de construction d’univers qui les sous-tendent, et dont on ne verra que quelques bouts, en 80 et 40 pages de novellas.

Mais l’auteur ne s’en tient pas à un bel univers, ni à une simple uchronie originale (une victoire des esclaves révoltés dans les Caraïbes, une porte ouverte aux créatures magiques), pétrissant son univers de ses conséquences (comme du métissage à tous niveaux : social, vestimentaire, linguistique), il y place une intrigue entraînante, plus qu’un prétexte à déambuler dans ce magnifique décor.

Dans Les Tambours du Dieu Noir, un savant est l’objet des convoitises de nostalgiques de l’esclavage, décidés à retourner l’arme de leurs vainqueurs contre eux, quitte à raser la région. Dans le port franc multiculturel de La Nouvelle-Orléans, les factions se côtoient sans trop de heurts mais le racisme sous-jacent demeure, tout comme la pauvreté qui colle à la peau des descendants d’esclaves dont la seule fortune et seule fierté est de pouvoir se dire libres. La ville est un joyeux patchwork aux allures de cache-misère que LaVrille veut fuir. Si l’auteur aborde peu la place des femmes, alors que les personnages principaux sont féminins, leur place n’est pas surprenante, puissantes mais dans l’ombre : la capitaine corsaire créole est l’exception à la règle, mais la protectrice de LaVrille tient un bordel, où ses filles sont à l’abri, et d’où elle tisse son réseau d’information.

Les choses sont dans la même veine dans L’Étrange Affaire du Djinn du Caire. Fatma et ses interlocutrices sont des forces plus ou moins officielles, et les hommes (ou les mâles, eu égard aux autres créatures) n’apparaissent pas sous leur meilleur jour.

Sur le fond comme la forme, les deux novellas sont une lecture exigeante, dans laquelle il faut accepter tantôt une vague d’informations apparemment disparates, tantôt une navigation légèrement dans le brouillard, à l’instar des héroïnes qui ne savent pas forcément où elles mettent les pieds.

Mais l’effort est récompensé : c’est flamboyant du début à la fin. On a qu’une hâte : y retourner, ce qui sera le cas avec Maître des Djinns, le premier roman de l’auteur dans cet univers, publié ce mois-ci.

Publié le 18 mars 2022

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