Les deux univers constituent sans aucun doute la plus grande réussite de l’ouvrage, qu’un lien concret puisse être réellement tracé ou non entre ses deux textes ; parce que non seulement ces uchronies ont du souffle, elles ont aussi et surtout du caractère.

Les Tambours du dieu noir - Le syndrome de Quickson
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C’était ce que j’appelle un achat de complément. J’avais envie de commander un autre bouquin précis chez l’Atalante, mais je n’aime pas prendre qu’un seul ouvrage à la fois ; alors j’ai pris le premier dont la couverture et les vagues échos dont j’avais réminiscence étaient flatteureuses, celui-ci, donc. Et comme j’avais un trajet en train de quelques heures, l’épaisseur me paraissait absolument parfaite pour combler mes quelques heures d’ennui avec une lecture qui s’annonçait fort sympathique. Les choses se goupillent bien, parfois, il faut savoir le saluer et en profiter. J’ai profité, et je viens donc vous encourager à faire de même. Parce que c’était une bonne lecture.

P. Djèlí Clark nous propose donc ici deux récits distincts quoique liés par une certaine cohérence thématique, à savoir ce que j’appellerais, faute d’un meilleur terme, l’uchronie fantasy. Si la première courte novella qui donne son titre à l’ouvrage se déroule en 1880 à la Nouvelle-Orléans, la longue nouvelle qui lui succède, dans son cas, prend comme décor Le Caire de 1912 ; avec dans les deux cas une intrusion d’éléments théologiques confinant à la magie, une certain porosité entre les mythes, légendes, cultures locales et les implications géopolitiques des bouleversements historiques esquissés au fil des histoires particulières qui nous sont racontées. C’est fourmillant, créatif et diablement intelligent de bout en bout, avec juste ce qu’il faut de fun et de gravité en fonction des besoins des intrigues.

Les deux univers constituent sans aucun doute la plus grande réussite de l’ouvrage, qu’un lien concret puisse être réellement tracé ou non entre ses deux textes ; parce que non seulement ces uchronies ont du souffle, elles ont aussi et surtout du caractère. Car si j’ai pu un peu regretter que ces récits soient un peu trop courts et précipités dans leurs intrigues, l’un comme l’autre, c’est bien parce que par dessus tout, j’avais envie, sans cesse, d’en apprendre plus, comme d’accompagner plus loin et plus longtemps les personnages qui les habitent. Ce goût de trop peu est sans doute à mettre à son crédit, tant les simples éléments d’introduction qui nous sont présentés sont déjà si basiquement cools, et promettent de potentiels développements qui le seront encore plus.

Je dois aussi saluer, plus particulièrement pour la novella qui donne son titre à l’ouvrage, le travail de traduction que je devine formidable de la part de Mathilde Montier qui a su rendre plusieurs patois dans les dialogues avec une précision assez phénoménale. Car au delà d’un excellent travail de caractérisation général à l’aune des deux textes, ce travail seul participe magistralement des sentiments d’immersion et de dépaysement, ce dont je suis toujours très friand, sans jamais paraître pour autre chose qu’un travail minutieux, motivé par une volonté sincère d’authenticité, sans exotisme malsain. De la même façon, on peut deviner un sous-texte politique malicieusement intriqué au fil des intrigues qui révélerait sans doute toute sa puissance dans des futurs textes plus denses prenant un peu plus leur temps.

Une très bonne lecture donc, à propos de laquelle je n’exprimerais que le regret de ne pas avoir pu en lire plus d’un coup ; ce qui n’est même pas un reproche, finalement. De toute évidence, il va me falloir retenir le nom de P. Djèlí Clark, qui pourrait très bien rejoindre à terme mon petit panthéon des uchronies audacieuses aux côtés des Futurs Mystères de Paris de Roland Wagner ou les Lasser de Sylvie Miller & Phillipe Ward cette dernière référence résonnant particulièrement, évidemment, à la lecture de la seconde nouvelle.
Je scruterai avec avidité et gourmandise, et je ne manquerai pas de vous tenir au courant, évidemment.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles.

Le syndrome Quickson

Publié le 1 juillet 2021

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