Omphale et Dex ont quitté la nature sauvage et la forêt pour prendre contact avec les humains. Omphale rêve de trouver la réponse à la question qu’il a posée sans relâche à froeur Dex : « de quoi avez-vous besoin ? », mais, au fil des rencontres, il comprend que sa tâche sera bien difficile. Il y a tant de réponses possibles, et parfois aucune… L’amitié entre ces deux êtres si différents se renforce au gré des étapes au point de devenir aussi importante que leur quête.
Nous retrouvons l’atmosphère si apaisante d’Un psaume pour les recyclés sauvages, sur cette Terre post-industrielle où l’homme vit en paix avec la nature. Une utopie harmonieuse qui fait chaud au cœur, sans tomber dans la mièvrerie. Omphale et Dex poursuivent leur quête du sens de la vie, et en même temps, leur quête d’eux-mêmes. Omphale s’émerveille devant chaque chose qu’il découvre, et cette formidable capacité d’émerveillement rejaillit sur Dex, le poussant à retrouver son âme d’enfant. De village en village, leurs découvertes sont autant de manières pour l’autrice d’approfondir sa société utopique : le troc solidaire a remplacé l’argent, la cellule familiale est aussi large que le souhaitent les humains qui la composent, bien loin de notre culture hétéronormée. Pour autant, Becky Chambers ne pose pas une nouvelle norme, mais juste un principe d’écoute et d’acceptation de l’autre, de tous les autres.
Dans ce second volume, Becky Chambers embarque son lecteur dans une réflexion philosophique sur l’importance du corps et ce qui change lorsqu’il se modifie/est modifié, sur ce qui est essentiel ou non dans l’existence, sur ce qui différencie l’être humain de l’objet. Dex cherche lui aussi des réponses, pour (re)donner un sens à sa vie et en prend douloureusement conscience. Omphale interroge ses croyances, découvre un univers dont il ignorait tout et bouleverse ainsi sa vision du monde.
L’autrice, d’une écriture ciselée et magnifique, pose, mine de rien, des questions fondamentales. À travers les aventures et les rencontres qui parsèment la route de nos deux héros, elle distille l’espoir, remet au cœur des relations le respect de l’autre, et montre alors à quoi pourrait ressembler une société apaisée. C’est souvent drôle, toujours tendre, jamais mièvre. C’est intelligent, subtil, plein de sérénité et cette quête existentielle se déguste comme un moment d’harmonie, une parenthèse qui invite à réfléchir à l’essentiel.
Sylvie Gagnère