On se rappelle qu'il existe plusieurs formes de lecture et que celle-ci, qui apporte le bonheur, est une des plus enrichissantes qui soient.

Une prière pour les cimes timides - Galaxie n°83

Omphale Tachetée Splendide, robot, et Frœur Dex, moine, l'un marchant l'autre pédalant et tirant son chariot, arrivent sur la route lisse et manufacturée, si différente de la forêt sauvage. Omphale pousse des cris d'émerveillement et Dex des soupirs de soulagement, car, il faut bien le reconnaître, on pédale avec beaucoup plus de facilité sans branches, racines et autres divers obstacles en travers de son chemin. Et c'est à présent lea moine qui va faire connaître son monde à son ami, tout comme Omphale s'était fait guide dans la forêt dans Un Psaume pour les recyclés sauvages, la première novella de cette duologie de Becky Chambers dont Une prière pour les cimes timides est la seconde novella. C'est aussi l'occasion pour Dex, devant les incessantes exclamations de surprises d'Omphale, de redécouvrir son propre milieu et les gens qui l'habitent, dont sa très nombreuse famille, et de se poser des questions sur sa vocation - au moment de rencontrer Omphale, iel se consacrait depuis deux ans au service itinérant du thé. À noter une intéressante inversion des espèces : le robot qui, pour nous, représente la civilisation, la modernité, est ici celui qui vit dans la nature sauvage. (Il est aussi, avec ses questionnements naïfs, l'équivalent du Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, Dex jouant tour à tour le rôle du renard et de la rose...)

L'intrigue de ce petit livre est ténue/ Le robot continue de demander à tous les gens qu'il croise : "De quoi avez-vous besoin ?" Mais alors qu'on se dit qu'il ne se passe pas grand-chose et qu'on risque de décrocher, on s'aperçoit qu'on a le cœur en joie, un grand sourire aux lèvres, tandis qu'on se promène avec ces personnages si beaux et si vrais, et on s'aperçoit ou on se rappelle qu'il existe plusieurs formes de lecture et que celle-ci, qui apporte le bonheur, est une des plus enrichissantes qui soient.

Lucie Chenu

Publié le 21 juillet 2023

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