Pierre Bordage sait nous raconter des histoires. Un talent rare qui demande à être choyé et protégé.

Bordage - Les Dames Blanches - Actusf
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Un auteur qui compte

Pierre Bordage est l’homme qui, après Stefan Wul et avant Laurent Genefort, a réconcilié la science-fiction française avec le space opera. La trilogie des Guerriers du silence, réussite incontestable tant d’un point de vue commercial que critique, a installé Bordage au cœur du (petit ?) paysage de la littérature de la science-fiction francophone. Préoccupé par la lutte contre les fanatismes, Pierre Bordage tient à en imprégner les fictions qu’il publie. Les Dames blanches s’inscrit dans cette démarche et relève autant de la science-fiction (par sa proposition de départ : des bulles blanches apparaissent sur Terre et avalent les enfants) que du thriller (l’auteur cherche à créer un suspense) : reste à savoir si la sauce (pour reprendre une expression de grand cuisinier) prend (et là c’est essentiel).

Une invasion silencieuse

En plein automne, une étrange bulle blanche surgit dans la campagne des Deux-Sèvres et attire le jeune Léo en son sein sans que sa mère Elodie ne puisse faire quoi que ce soit. Le magazine « Femmes » dépêche une de ses meilleures journalistes, Camille, pour recueillir le témoignage d’Elodie, qui n’a pas inventé son histoire : des dizaines de femmes de par le monde racontent les mêmes scènes de disparition d’enfants. Le phénomène prend une ampleur mondiale car les bulles bientôt rebaptisées « dames blanches » se multiplient à la surface du globe et empêchent de surcroît par leurs ondes magnétiques le bon fonctionnement du net, des portables, des téléphones. L’humanité régresse tandis que l’ONU prend une décision cruelle : par la loi dite d’Isaac (qui renvoie à la Bible), chaque famille doit fournir un enfant destiné à devenir un « pédokaze » (version adaptée du Kamikaze) qui ira se faire exploser au sein d’une dame blanche. La journaliste Camille, qui a perdu son fils Nathan, se pose cependant de plus en plus de questions après avoir raconté l’ufologue Basile Traoré : quel est le but des dames blanches ? L’humanité est-elle à même de comprendre ce qui se passe ?

Les limites de l’entreprise « bordagienne » ?

On peut présenter Les Dames blanches comme la chronique d’une invasion, d’une intrusion extra-terrestre dont les buts échappent complètement aux humains qui y voient l’expression d’une menace remettant en cause leur civilisation. Chaque chapitre est titré d’après le nom d’un personnage ayant à affronter soit directement les dames blanches, soit les conséquences de leur apparition. On suit avec parfois de l’appréhension les développements de l’intrigue (ce qui démontre de la part de Pierre Bordage sa maîtrise des mécanismes du thriller). Reste un gros point noir : la tendance à la sentimentalité. Notre auteur accorde beaucoup d’importance aux personnages et à leur psychologie (et il a raison). Reste qu’il y a ici beaucoup d’excès sentimentaux, de réflexions sur l’amour qui handicapent le récit, excepté à un moment de la fin où une mère retrouve son fils : là, Pierre Bordage sait trouver le ton et les mots justes. On lui souhaite donc de maîtriser son sentimentalisme car une chose est sûre : Pierre Bordage sait nous raconter des histoires. Un talent rare qui demande à être choyé et protégé.

Publié le 27 avril 2016

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