Enfin, en termes de rythme et de construction, “L’effondrement de l’empire” est un modèle du genre, et si les premières pages laissent imaginer un pur space opera, Scalzi nous entraîne en fait dans quelque chose de plus subtil, où l’action est reléguée au second plan mais où l’intrigue avance sans temps mort, si bien qu’on boucle la lecture sans même s’en apercevoir, en attendant furieusement de pouvoir mettre les griffes sur la suite.

Canal Hurlant
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Depuis mon coup de cœur pour “Le vieil homme et la guerre” (merci Totophe pour cette découverte, je t’en serai à jamais reconnaissant), j’ai tendance à me jeter avec frénésie sur toutes les productions de John Scalzi. Adepte des histoires bien rythmées, des personnages à la langue bien pendue et des blagues potaches, le bonhomme est à l’origine de nombre de mes soirées lectures les plus agréables de ces dernières années. Sûr, ça ne vole pas toujours très haut, mais en terme de pur divertissement, Scalzi ne me déçoit jamais.

Cela dit, le bougre ne donne pas exclusivement dans les blagues vaseuses et les allusions sexuelles. Il suffit par exemple de vous pencher sur l’excellent “Les Enfermés” et sa suite, ou bien sur le court “Deus In Machina” pour vous en convaincre. Mais je l’avoue, en tant que fan de blagues de merde, j’ai vraiment adoré des textes comme “Redshirts”, “Imprésario du troisième type” ou encore la goûteuse nouvelle “L’avènement du yaourt” (d’ailleurs adapté en un bref épisode dans la série d’animation “Love, Death + Robots” de Netflix). Excusez du peu, mais ce n’est pas tous les jours que l’on découvre l’ascension fulgurante d’un yaourt génétiquement modifié à la tête du gouvernement mondial (voire ga-lactique…).

Aussi, lorsque j’ai vu que les éditions ActuSF, en partenariat avec L’Atalante, lançaient un concours Facebook pour gagner le premier tome d’une nouvelle série SF de Scalzi baptisée “L’interdépendance”, je n’ai pas hésité un seul instant à y aller de mon commentaire et d’un petit partage de post. On sait jamais hein ? Et sans y croire, voilà que je me suis trouvé être l’un des trois heureux gagnants à avoir été tirés au sort. Hop, quelques jours plus tard “L’effondrement de l’empire” déboulait avec pertes et fracas dans ma boîte à lettres. J’étais joie et félicité. Et je l’ai été encore davantage en attaquant la lecture du machin qui, soit dit en passant, a obtenu le Prix Locus du meilleur roman de science-fiction en 2018.

Vers l’infini et au-delà !

Qui dit premier tome d’une nouvelle série (une trilogie au minimum), dit mise en place de l’univers et des enjeux, et à ce titre “L’effondrement de l’empire” remplit très bien son office. En une poignée de chapitres, Scalzi nous plonge avec maîtrise et finesse dans un monde où les différentes familles majeures se tirent dans les pattes pour s’arroger pognon et pouvoir, un monde où tout est régi par l’accès au Flux, unique moyen de se déplacer efficacement dans l’espace. On sent déjà que tout va péter rapidement et que la force de l’empire, c’est à dire le fait que chaque monde dépende des autres pour sa survie, risque de rapidement le condamner à la chute car le Flux, sorte d’autoroute intergalactique, commence à avoir des ratés.

Or c’est dans ce contexte que Scalzi introduit une galerie de personnages hauts en couleur et excellemment bien croqués. Ainsi, Cardenia, jeune femme que rien ne destinait à prendre les rênes de l’Empire, se retrouve catapultée dans le rôle d’Emperox suite au décès prématuré et peu ragoûtant de son frère aîné. Personnage éminemment humain, Cardenia est à mon sens, l’un des points forts du roman. Et il vaut mieux, vous me direz, car c’est elle qui au final, devra s’efforcer de gérer la crise causée par la dissolution du Flux. 

Même combat pour Marce Claremont, jeune nobliau ayant assisté son père dans l’étude du Flux et qui va se voir confier la lourde tache d’annoncer à la nouvelle Emperox la catastrophe qui s’annonce. Evidemment, pour ne rien arranger, la colonie d’origine de Marce se trouve être le “Bout”, portion la plus excentrée de l’empire et surtout la seule planète où les hommes ne sont pas contraints de vivre dans des habitats pressurisés, mais bien à l’air libre. Déjà, le “Bout”, c’est pas la porte à côté, mais c’est aussi le théâtre d’une horrible guerre civile où le duc local doit affronter des insurgés dont on se doute très vite qu’ils sont manipulés en sous-main. Mais par qui ? Quoi qu’il en soit, avec un bout manipulé ainsi, attention les dégâts (désolé).

Enfin, le dernier personnage clef (oui, j’écris encore clef avec un “f” et je vous emmerde) est Kiva Lagos. Une jeune femme indépendante qui n’a pas froid aux yeux et qui a surtout à cœur les intérêts commerciaux de sa famille. La dame va rapidement se retrouver mêlée aux perturbations qui secouent le Flux, mais aussi aux troubles du “Bout”. Intrigante et débrouillarde, Kiva marque aussi des points auprès du lecteur, tant il est agréable de suivre ses machinations. Là encore, Scalzi nous rend plaisant un personnage sur lequel on n’aurait pas forcément parié de prime abord.

Enfin, en termes de rythme et de construction, “L’effondrement de l’empire” est un modèle du genre, et si les premières pages laissent imaginer un pur space opera, Scalzi nous entraîne en fait dans quelque chose de plus subtil, où l’action est reléguée au second plan mais où l’intrigue avance sans temps mort, si bien qu’on boucle la lecture sans même s’en apercevoir, en attendant furieusement de pouvoir mettre les griffes sur la suite.

par badtachyon

Publié le 12 juin 2019

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