« Vivant, dynamique, ce premier opus très sympathique ne manque décidément pas d'atouts. »

Galaxies

Le Flux est un courant de l'espace qui permet de voyager plus vite que la lumière. Il a permis de fonder le Saint-Empire des États interdépendants et des guildes marchandes, autrement dit L'Interdépendance, implantée sur les mondes souvent inhospitaliers qui le bordent, sous des soleils géants ou dans un environnement gelé. Sur Central, à la confluence des courants du Flux, Batrin de la maison Wu, l'Emperox mourant, du fait de la mort prématurée de son fils unique, désigne comme héritière Cardenia, fille illégitime d'une passade avec une enseignante de langues anciennes, laquelle n'a aucune appétence pour le pouvoir mais, par sens de la justice, compte tenir son rôle. 

Cela ne fait pas les affaires de la puissante famille marchande Nohamapetan, qui comptait sur le mariage de Nadashe avec l'héritier pour accroître son pouvoir. Elle et ses deux frères complotent pour inverser la situation : Amit devient le prétendant de Cardenia tandis que Ghreni se met au service du duc de Ferd, administrateur de Bout, la dernière planète à l'extrémité du Flux, afin de fomenter une rébellion. 

C'est précisément sur Bout que le comte Jamies de Claremont, scientifique et ami de l'Emperox défunt, découvre que le Flux, instable, va se déplacer, condamnant à mort les planètes qui se trouveraient isolées, puisque seules les très rares mondes à l'air libre vivent en autarcie. Une information que les comploteurs tente d'empêcher d'arriver aux oreilles du pouvoir. 

Autour de ces enjeux, l'intrigue se complexifie rapidement et fait intervenir de nombreuses factions. L'Effondrement de l'empire ressemble à un Game of thrones spatial, il louche également du côté de Fondation avec la perspective d'un émiettement de la civilisation. On trouve notamment une Salle aux souvenirs accessible à Cardenia seule, qui n'est pas sans évoquer les enregistrements que Hari Seldon dispense aux dirigeants de Fondation : ici, il est possible de convoquer, par le biais d'une IA, les dirigeants de L'Interdépendance qui se sont succédés sur mille ans, pour recevoir leurs avis et conseils. On peut aussi lui trouver un petit côté Jack Vance pour une ambiance parfois proche de la Guilde des Princes-Marchands. 

L'action est au rendez-vous et si les personnages sont relativement convenus dans ce type d'intrigue, ils le sont avec efficacité, comme par exemple la déléguée commerciale Kirva Lagos, femme avisée et expéditive, dure en affaires, aux mœurs très libres et au langage de charretier. Le tout est persillé d'un humour parfois potache mais qui fait mouche, avec par exemple des noms de vaisseaux spatiaux qui rappellent ceux de Iain Banks : Si tu veux faire mon bonheur, Tu m'en diras tant, Marguerite, donne-moi ton cœur. 

L'idée du Flux a également le mérite de changer des désormais classiques trous de ver pour s'affranchir de la vitesse de la lumière. John Scalzi se dédouane malicieusement de toute explication en estimant que le lecteur ne fait probablement pas partie des individus capables de la comprendre.

Sélectionné pour le Hugo, le roman a remporté le prix Locus 2018. Vivant, dynamique, ce premier opus très sympathique ne manque décidément pas d'atouts.

Claude Ecken

Publié le 3 mars 2020

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