L'écriture est captivante, le rythme impeccable, et le tout passe tout seul. Un très beau roman (je refuse de dissocier ces deux tomes) et un auteur à garder à l'œil pour la suite de sa carrière.

Rouiller - Métaquine - Sens critique

Voilà un roman qui a attiré mon attention dés sa parution.

D'abord parce qu'il est édité par l'Atalante, une maison dont j'admire et respecte le travail depuis de longues années, mais aussi pour les thématiques qu'il semblait traiter, à savoir le contrôle des populations par les médicaments et les magouilles des grands labos pharmaceutiques.

Autant d'ingrédients qui laissaient augurer d'un potentiel bon roman d'anticipation. Et donc, qu'en est-il ?

Métaquine : indications est le premier volet d'un diptyque. Le récit, comme son nom l'indique, s'articule autour d'un médicament, la métaquine, qui inonde le marché. Le monde dans lequel se déroule cette histoire est assez proche du nôtre temporellement parlant, la seule vrai différence étant la présence d'un cyber monde en réalité virtuelle (le Simdom) permettant une immersion totale de ses utilisateurs par le biais de casques à interface neuronale. Simdom qui a de même engendré une population de cybaddict, des personnes ayant renoncé au monde réelle et qui restent connectées en permanence, leurs corps restant lui sous assistance médicale, soit en clinique, soit à domicile si leurs proches acceptent de les prendre en charge.

Quant à la métaquine, il s'agit d'un produit initialement utilisé pour traiter certains troubles mentaux (notamment la baisse d'attention) et dont les chercheurs de Globantis (une firme pharmaceutique) ont découvert qu'elle pouvait en réalité toucher toute la population et la rendre plus performante dans son quotidien puisque le produit inhibe les émotions et rend le cerveau plus "disponible" (au détriment de la personnalité de l'utilisateur toutefois).

Le récit nous est présenté par le biais de six personnages, qui vont tous constater les effets de la métaquine dans leur entourage immédiat. On a donc divers points de vue sur la chose, selon le caractère ou la position sociale de chacun.

Ces six personnages sont la moelle épinière du roman, chacun d'entre eux ayant une personnalité bien trempée et une perception différente du monde.

On a ainsi :
- un membre du comité exécutif de Globantis, la firme ayant lancé la métaquine, qui cherche à étendre la clientèle pour son médicament.
- une femme politique qui cherche à faire interdire l'usage de la métaquine, notamment au près des enfants.
- une ex-scientifique, spécialiste de la neurologie, qui sent venir l'entourloupe autour de ce médicament.
- un jeune élève de collège très tête en l'air qui va sans doute être amené à prendre de la métaquine pour se "corriger".
- une cybaddict vivant exclusivement dans le Simdom et dont l'enveloppe physique est maintenue en vie via des sondes et des appareils respiratoires chez elle. Elle est également la mère du collégien.
- Un employé d'un magasin type Darty, qui constate l'effet de la métaquine chez ses collègues et chez ses clients. Il est également le compagnon de la cybaddict et le père adoptif du collégien.

Ces six personnages semblent en outre liés, non seulement par l'émergence de la métaquine dans leur quotidien, mais également par un lieu qui semble avoir eu (ou avoir encore pour certains) une grande importance dans leur histoire.

De loin en loin, un septième personnage intervient, en la personne d'un lanceur d'alerte / blogger dont la prose militante et enlevée m'a furieusement rappellé celle de Chad Mulligan dans Tous à Zanzibar, un de mes livres culte. Est-ce voulu ? Ben j'en sais rien, désolé...

Au fur et à mesure du roman, les éléments se mettent en place et on constate les conséquences de la métaquine sur les mentalités et sur la société, tandis que les différentes trames des six personnages principaux se rejoignent petit à petit.

Cet aspect est accentué par un jeu d'écriture qui lie les chapitres entre eux. En effet, chacun d'entre eux débute par la même phrase (peu ou prou) que celle qui fini le chapitre précédent, renforçant ainsi les liens sous-jacents qui semblent exister entre les personnages.

Nul doute que le volume deux ne viennent confirmer cette "convergence narrative".

Le personnage du collégien devrait également prendre de l'importance puisqu'il semble avoir développé une capacité quasi surnaturelle (mais ne suis-je pas moi-même le dupe d'un jeu de Rouiller avec son lecteur ?) lui permettant de donner corps à un "autre monde".

J'attends avec impatience de me plonger dans le second volet (Métaquine : contre-indications) pour savoir ce qu'il en est vraiment.

 

Suite directe du premier volume : Métaquine® - Indications (au point même que la numérotation des pages reprend là où elle s'était arrêté dans le volume un).

On y retrouve la même structure narrative, avec six personnages prenant la parole à tour de rôle, le temps d'un chapitre, le tout entrecoupé par des extraits du blog pilori-info.org mettant en scène le lanceur d'alerte Ferdinand Glapier.

Comme dans Métaquine® - Indications, chaque chapitre redémarre sur la même phrase que celle qui concluait le chapitre précédent, ce qui donne un effet d'ensemble assez prenant.

Comme entrevu dans le premier tome, les trames narratives se rapprochent et s'entrecroisent de plus en plus rapidement pour finalement se rejoindre (honnêtement, c'est pas du spoil, à ce stade du récit, c'est même évident).

Le côté combine pharmaceutique du premier volet passe progressivement au second plan, laissant le récit se concentrer sur la notion de multivers (qui nous ait expliquée via une surprenante et convaincante métaphore pâtissière) et de réalités parallèles.

Les personnages se retrouvent confrontés à leurs vieux démons, et vont devoir faire des choix pour changer leur monde.

On le voit, une orientation bien différente du premier volume, qui était plus classique. Là on bascule dans les théories de Leibniz et d'Everett, sur des bases de mécanique quantique. C'est pas coton, mais heureusement, nul besoin d'un doctorat en sciences physiques ni d'avoir lu Science et avenir pendant 25 ans pour suivre ce récit.

L'écriture est captivante, le rythme impeccable, et le tout passe tout seul. Un très beau roman (je refuse de dissocier ces deux tomes) et un auteur à garder à l'œil pour la suite de sa carrière.

 

Sens critique - M_le_maudit

Publié le 1 septembre 2016

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