Affairisme et catastrophe industrielle, cyberaddiction et dérive sociale, suicide ludique et apo­calypse numérique… François Rouiller tisse serré, dans cet opulent récit tantôt gouleyant tantôt vomitif, la somme de toutes nos angoisses.

Rouiller - Métaquine - Le Monde.fr

Un moutard en survoltage, l’attention en berne et la sociabilité en vrille ? Métaquine ! Un proche terrassé par un AVC ? Métaquine ! Un collègue stressé, un voisin compulsivement déviant, un mari en cendres à la suite d’un surmenage ? Métaquine ! Mis au point et commercialisé par une firme titanesque, ce psychotrope miracle (cousin de la kétamine) est devenu en quelques années la supernova de la pharmacopée mondiale, la molécule-clé pour résoudre les problèmes sociaux, ainsi qu’une source d’hyperprofits.

Mais ce couvre-feu neuronal et ce lissage des consciences, idéa­lisés par d’incessantes campagnes d’opinion truquées, sont-ils exempts de désastres collatéraux et de louches trafics ? Le débat s’ouvre, la bataille s’engage, mobilisant industriels, usagers, politiques et scientifiques.

Pour chroniquer cette « affaire Métaquine », le pharmacien, ­essayiste (il a en effet publié, en 2002, chez Encrage, un essai sur la drogue et la toxicomanie dans la science-fiction) et romancier suisse François Rouiller a conçu une dystopie chorale en deux tomes. S’y succèdent six voix tour à tour tragiques, comiques, polémiques ou pathétiques dans des monologues par instants quasi théâtraux : l’inventeur cynique de la Métaquine, un loser morbide, un routard redoutant d’être amputé de son imaginaire par la pilule magique, un cybertox englouti dans le royaume de la simulation numérique, une neuroscientifique et une responsable politique, toutes deux en lutte contre la firme ­pharmaceutique… Narrations entrecoupées par les proférations dénonciatrices d’un blogueur.

Affairisme et catastrophe industrielle, cyberaddiction et dérive sociale, suicide ludique et apo­calypse numérique… François Rouiller tisse serré, dans cet opulent récit tantôt gouleyant tantôt vomitif, la somme de toutes nos angoisses.

François Angelier - Le Monde.fr

Publié le 1 septembre 2016

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