La psychologie affinée des différents protagonistes permet une plongée dans les méandres de l’âme humaine avec un côté malsain assez subtil et bien maîtrisé. Pour ne rien gâcher, Dmitry Glukhovsky traite d’un sujet résolument moderne en s’interrogeant sur notre trop grande confiance en notre téléphone portable et notre relation à la technologie. Je recommande Texto sans hésiter aux amateurs de romans psychologiques et à ceux qui ont envie de découvrir un bout de Russie contemporaine.

Ombre Bones
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Texto est un one shot écrit par l’auteur russe Dmitry Glukhovsky. Édité chez l’Atalante dans sa version française, vous le trouverez en format papier au prix de 23.90 euros.
Je remercie chaleureusement les Éditions Atalante pour l’envoi de ce service presse numérique.

L’histoire se déroule en novembre 2016. Ilya rentre chez lui après avoir passé sept ans en prison pour un crime qu’il n’a même pas commis. En arrivant à l’appartement de sa mère, une voisine lui apprend qu’elle est morte le jour avant d’un arrêt cardiaque. Ilya se saoule (normal) puis, ivre de vengeance (et de vodka aussi), va retrouver l’officier qui l’a fait tomber sept ans plus tôt afin de le tuer. Une fois son méfait accompli et le corps caché dans une bouche d’égout, Ilya récupère le téléphone portable de Pieta Kazhine. Le lendemain, quand il dessaoule, Ilya prend conscience de la portée de ses actes et commence à se faire passer pour Kazhine afin que personne ne se doute de son décès. Il sait que c’est une question de temps, toutefois il veut pouvoir régler l’enterrement de sa mère avant d’être exécuté et pour ça, le seul moyen semble être de profiter d’une occasion en or offerte par Kazhine lui-même. Sauf que l’homme qui a détruit sa vie commence à déteindre de plus en plus sur lui…

Je viens de vous spoiler les soixante voir septante premières pages mais la quatrième de couverture ne s’en prive pas non plus. Et c’est franchement dommage parce que j’ai eu du mal à rentrer dans le livre. J’éprouvais un sentiment de longueur et je résistais à l’envie de passer des pages pour arriver à un peu d’inédit. Certains passages se révélaient intéressants et à d’autres moments, Ilya se répétait beaucoup trop. Heureusement, petit à petit, la sauce a pris pour ce thriller russe particulièrement glaçant.

Ilya n’est pas quelqu’un de mauvais. Kazhine l’a fait condamner en cachant de la coke dans ses poches parce qu’il a refusé de le laisser fouiller sa copine de l’époque d’une manière trop entreprenante. Sept ans de sa vie pour avoir défendu la femme qui l’aime. Femme qui ne l’a pas attendu, bien sûr. Il ne lui restait que sa mère qui, pas de chance, décède le jour avant son retour. À sa place, j’aurai pété un câble aussi. En tant que lecteur, on assiste avec une fascination macabre à sa descente en enfer, à ses doutes, ses résolutions bancales, ses prises de conscience. Dmitry Glukhovsky réussit à nous dépeindre un personnage profondément humain, dans tous les sens du terme. Le bon comme le mauvais. Avec plus ou moins de résilience. Avec Texto, l’auteur russe nous offre un roman nuancé et des personnages à la psychologie travaillée, comme de juste dans la tradition littéraire de ce pays.

À travers les mésaventures d’Ilya, l’auteur propose une réflexion pertinente sur la place du téléphone portable dans notre vie et ce qu’on peut apprendre sur les gens par son entremise. Imaginez un instant que quelqu’un prenne le vôtre, lise vos conversations, consulte vos photos, vos vidéos, vos mails… C’est ce que fait Ilya, au point de se confondre avec Petia. Il va répondre par message à ses parents, en enquêtant dans l’appareil pour démêler les drames familiaux. Cela passe par la lecture de conversations sur différentes applications, la découverte de mails en brouillon jamais envoyés qui, pourtant, changeraient plus qu’une vie. Je me suis laissée emporter, j’étais fascinée par ce que découvrait Ilya et j’aurai aimé avoir ce téléphone pour pouvoir le parcourir moi même.

Ilya va également échanger avec Nina, la petite amie de Kazhine, et tomber amoureux d’une image. Il va aussi et surtout se rendre compte que son bourreau était humain, comme lui. Qu’il a fait des erreurs, comme lui. Et qu’il ne méritait pas forcément de mourir. Dans ce roman, personne n’est un héros, personne n’est vraiment un méchant non plus. C’est un texte tout en nuances de gris plus ou moins sombres qui a une vraie portée signifiante. J’adorerai lire davantage de romans dans ce genre-là.

Pour conclure, je dirai Texto est un texte d’une grande profondeur psychologique au final aussi glacial que l’hiver russe où il se déroule. Il parait hélas longuet par moment et ses chapitres sont parfois trop longs. Outre ce souci de rythme qui est, somme toute, vraiment personnel à mon goût, j’ai été très heureuse de découvrir ce texte différent dans une Russie actuelle dépeinte avec brio par un auteur du cru. La psychologie affinée des différents protagonistes permet une plongée dans les méandres de l’âme humaine avec un côté malsain assez subtil et bien maîtrisé. Pour ne rien gâcher, Dmitry Glukhovsky traite d’un sujet résolument moderne en s’interrogeant sur notre trop grande confiance en notre téléphone portable et notre relation à la technologie. Je recommande Texto sans hésiter aux amateurs de romans psychologiques et à ceux qui ont envie de découvrir un bout de Russie contemporaine.

Publié le 20 mars 2019

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